Au Brésil, les autochtones prêts à « prendre arcs et flèches » pour défendre leurs terres

Comme chaque année, les tribus indigènes du Brésil se rassemblent jusqu’à vendredi à Brasilia pour se faire entendre. Non-respect de leurs droits, destruction massive de la forêt amazonienne : la situation a empiré avec le gouvernement Bolsonaro.

Ils sont plus de 900 000 au Brésil, mais ont toujours du mal à faire valoir leurs droits. Les autochtones se mobilisent jusqu’à vendredi dans la capitale Brasilia. À l’origine de cette initiative, l’ONG Campement de la terre libre (ATL) dénonce la destruction de l’habitat historique des indigènes : la forêt amazonienne.

Organisé depuis 2004, ce rassemblement n’est pas nouveau, mais celui de cette année prend une nouvelle ampleur. Car les conséquences des politiques peu environnementales de Jair Bolsonaro sont déjà visibles. D’après l’ONG Imazon, la déforestation en Amazonie a augmenté de 54 % en un an.

Des tensions grandissantes

L’arrivée de Jair Bolsonaro au pouvoir a ravivé des tensions communautaires profondes. Le droit des indigènes est inscrit dans la Constitution brésilienne. 566 terres délimitées par le gouvernement, soit 13 % du territoire national, leur reviennent. Mais elles sont de plus en plus menacées par l’expansion de l’agriculture, les extractions minières et la déforestation illégale. De plus, de nombreuses ONG et associations dénoncent la multiplication des invasions de terres indigènes sous le gouvernement Bolsonaro.

Durant sa campagne, le nouveau chef de l’État avait affirmé qu’il ne céderait pas « un centimètre de plus » aux autochtones. Pour Tatji Arara, chef indigène brésilien, interrogé par l’AFP, le président est une véritable menace : « Bolsonaro a empoisonné l’esprit du peuple, beaucoup de gens pensent qu’il va nous prendre nos terres, mais nous n’allons pas le laisser faire. » Pour les indigènes, la coupe est pleine et les menaces pleuvent. « Si les extractions illégales de bois continuent, nos guerriers prendront leurs arcs et leurs flèches, il pourrait y avoir des morts », prévient Tatij Arara. L’enjeu principal de cet affrontement : la forêt amazonienne, richesse principale du pays.

La forêt amazonienne sacrifiée

Avec plus de 493 millions d’hectares, le Brésil a la seconde surface forestière de la planète. Depuis 40 ans, le Brésil tente de limiter les atteintes à ce bien précieux. Créé en 1988, Le Programme de contrôle par satellite de la déforestation en Amazonie (Prodes) avait pour but de connaître l’état de la forêt et ainsi surveiller la disparition de l’Amazonie. Mais 30 ans plus tard, aucune solution ne semble avoir été trouvée pour la préserver. Un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a montré qu’entre 2010 et 2015, le Brésil est le pays qui a le plus perdu de surface forestière.

Et les nouvelles politiques ne semblent pas aller dans le sens d’une amélioration. Le gouvernement actuel tend à supprimer les restrictions existantes quant à l’extraction de bois en Amazonie brésilienne. Lors d’une rencontre au Canada avec des grands entrepreneurs du secteur minier début mars, le ministre brésilien des Mines et de l’Énergie, Bento Albuquerque, a laissé entendre que le Brésil pourrait en finir avec ces limitations, qui selon lui « favorisent les activités illégales ». Cette ressource naturelle se transforme en marché prolifique.

Le bois exotique, un business de plus en plus attractif

De plus en plus de zones de la forêt s’apparentent à un cimetière végétal. Sur des centaines d’hectares, des champs de troncs ont remplacé les hautes cimes. Et pour cause. Les trafiquants de bois ont pris possession des lieux. Particulièrement résistant, le bois exotique séduit de plus en plus la clientèle européenne comme américaine. Victimes de leur qualité, les arbres amazoniens finissent en parquet ou en meuble de jardin.

En 2018, Greenpeace délivre un rapport pointant la responsabilité de nombreuses entreprises dans la pérennisation du trafic de bois. 37 sociétés du monde entier y sont présentées comme principales clientes des exportateurs brésiliens. Ces dernières ne tiennent pas la scie, mais elles participent à la déforestation et la normalisation de cette pratique. Greenpeace met aussi en lumière un système de blanchiment permettant de détruire en plus grande quantité la zone boisée. Et ce, en toute tranquillité.

Pour les autochtones, il est plus que jamais temps de réagir. Chaque minute, plus de 800 arbres sont coupés en Amazonie.

Avec AFP