Au procès du 13-Novembre, aux victimes de raconter l’horreur

Après les enquêteurs, c’est désormais aux parties civiles de venir témoigner au procès des attentats du 13-Novembre. A partir de ce mardi 28 septembre et pendant cinq semaines, des centaines d’entre elles vont se succéder à la barre.

Elle s’attend à un moment « compliqué ». Après des premières semaines consacrées aux récits cliniques des enquêteurs, les auditions des parties civiles au procès du 13-Novembre s’annoncent chargées en émotion. « Cela va être beaucoup plus lourd à porter », confie Édith Seurat, rescapée du Bataclan, qui avoue ne pas encore être « bien prête ».
Comme elle, ils seront environ 300 – rescapés des attaques qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis, et proches des victimes – à s’avancer à la barre de l’immense salle d’audience construite spécialement pour ce procès. Le président de la cour d’assises spéciale, qui juge 20 accusés, a prévu d’entendre une quinzaine d’entre eux chaque jour. D’abord ceux qui étaient autour du Stade de France, en banlieue parisienne, puis ceux des terrasses, et enfin ceux de la salle de concert du Bataclan, pendant près de quatre semaines.
« Ce sera un moment d’hommage à mon fils, annonce Dominique Kielemoës, vice-présidente de l’association 13onze15 et mère de Victor Muñoz, tué à la Belle Équipe. Je serai fière de témoigner de ce qu’il était. »
Ce moment du procès est pour les victimes une étape importante, analyse la psychologue Carole Damiani, directrice de l’association Paris aide aux victimes qui a été mandatée pour assurer un soutien psychologique lors de ce procès. « Il y a des victimes qui ont des messages à faire passer, qui peuvent s’adresser à la cour, au public, aux accusés. Pour celles qui choisissent de s’exprimer, c’est important d’avoir cette place-là et d’avoir le temps de pouvoir le faire », insiste-t-elle.
La délicate question de l’identité
Mais l’exercice s’annonce difficile : seul au pupitre face aux magistrats, devant les publics. Sans compter la peur d’être reconnu, y compris par des employeurs ou même des proches, à qui elles n’ont pas révélé avoir été victimes pour ne pas se faire « coller une étiquette ». « Ces victimes ont été très médiatisées, elles ont peur que leur identité soit révélée. Certaines craignent pour leur vie », indique encore la psychologue Carole Damiani. Une crainte accentuée par le fait que le procès est filmé, même si aucune image ne doit en sortir.
Vendredi, plusieurs avocats ont demandé à ce que certains de leurs clients, rescapés ou témoins, soient dispensés de donner leur nom à la barre. À la place, ils proposent que ceux qui viennent témoigner puissent justifier de leur identité simplement auprès du greffier et ne pas voir leur visage projeté dans toutes les salles de retransmission. « Moi, mes victimes ne peuvent pas décliner leur identité. Un point c’est tout. Elles peuvent venir raconter ce qu’elles ont vécu, mais elles ne peuvent pas, elles ne veulent pas donner leur nom de famille. Et je demande à ce qu’on respecte leur souhaite », martèle Me Aurélie Soria, dont deux clients sollicite cet aménagement.
Le président de la cour d’assises spéciales Jean-Louis Périès rendra sa décision ce mardi.
RFI