Le Gouvernement du Sénégal souhaite mettre en place un large réseau structurant d’autoroutes, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan Sénégal Émergent (PSE). Ce dernier vise non seulement à assurer la liaison des grands pôles économiques du pays, mais également à développer les échanges économiques avec les pays transfrontaliers. C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet de construction de l’autoroute Dakar-Sant Louis, longue de 194,6 km. Mais, ce travail ne sera pas sans conséquences sur l’environnement et la santé, selon l’organisation Legs Africa.
En avril, le Sénégal et la Banque islamique de développement ont procédé à Djeddah à la signature d’un accord de financement d’un montant de 238 millions d’euros pour le projet de construction de l’autoroute Dakar-Tivaouane-Saint Louis. Le document a été paraphé par Amadou Hott, Ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération et Mansour Faye, Ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement d’une part et Dr. Muhammad Sulaiman Al-jasser, président de la BID d’autre part.
A travers ce projet, l’Etat veut amorcer la liaison avec les grandes villes du littoral septentrional du Sénégal. Il constituera à ce titre un maillon important dans la réalisation progressive des grands axes transcontinentaux tels que la route Eurafricaine (Madrid-Tanger-Nouakchott-Dakar). Il participe également au soutien à la politique de développement infrastructurel du Sénégal et au renforcement du réseau autoroutier national, décliné dans le Plan Sénégal Émergent.
Mais, d’emblée LEGS AFRICA alerte sur les enjeux environnementaux et socio-économiques du projet, suite à la réunion du comité technique de pré-validation du rapport d’EIES dudit projet qui s’est tenue ces 23 et 24 mai 2022 à Dakar. Malgré les nombreuses insuffisances de l’étude, les observations et recommandations formulées par les différentes parties prenantes dont la société civile, le comité a procédé à la validation sous réserves du dit rapport.
des risques élevés de pollution de la nappe dans plusieurs localités
Selon l’organisation, la réalisation de ce projet pose des risques élevés de pollution de la nappe dans plusieurs localités et la réduction très considérable de la superficie des terres arables. Les pertes en terres agricoles pour la section Dakar-Mékhé sont estimées à 1871 ha et à 1309 ha sur l’axe Mékhé-Saint-Louis et celles en terres à usage d’habitation portent sur 3545 ha pour les deux axes.
Ainsi, les populations riveraines de cette zone seront davantage exposées à la raréfaction des ressources et risquent fortement de ne pas être indemnisées correctement puisque les mesures compensatoires ne sont à ce jour nullement basées sur une grille ou un barème bien défini et tenant compte de tous les paramètres socio-économiques.
LEGS AFRICA rappelle qu’un tel projet encore mal pensé, dans un contexte de progression notoire de la menace terroriste vers les pays côtiers, d’exploitation des hydrocarbures et implanté dans une zone où les variations pluviométriques côtoient une désertification à grandes enjambées, comporte énormément de risques.
Ainsi, à la présence de ces facteurs générateurs de conflits entre agriculteurs et éleveurs, s’ajoutent des menaces sévères sur les moyens d’existence de ces populations tout en les éloignant davantage de tout espoir de subvenir a leurs besoins et droits qui correspondent aux Objectifs de Développement Durable.
Etant donné que les surfaces répertoriées englobent aussi bien des lotissements à usage d’habitation que des terres agricoles, il convient de s’interroger sur le modèle d’évaluation des indemnisations afin que nul ne soit lésé mais aussi de s’en référer aux exigences des bailleurs que sont la Banque mondiale et la Banque Africaine de Développement.
LEGS AFRICA attire fortement l’attention sur la pollution de l’air pendant et après les travaux, qui à ce jour ne fait pas l’objet de prévisions afférentes au taux journalier de polluants et de particules fines.
Face à des populations qui ne bénéficient pas d’infrastructures sanitaires de base, d’après l’organisation, la prise en compte réelle des risques sanitaires et l’accès aux soins et traitements adéquats doivent figurer parmi les priorités de sécurisation de ces dernières.
Par ailleurs, au regard de toutes les problématiques générées tant sur le plan de la protection de l’environnement avec un abattage assez important d’arbres à savoir 395 948 pieds d’arbres forestiers dans un contexte de désertification que sur celui de la préservation de la faune et donc des écosystèmes, il serait opportun de s’interroger sur les critères permettant d’affirmer le caractère optimal du tracé.
LEGS AFRICA demande à ce que la mise à disposition des coordonnées géographiques du tracé soit effective. Pour rappel, le tracé de l’autoroute qui a fait objet de rejet par les populations de Kayar, empiète pleinement le périmètre de restauration et de réhabilitation de la zone des Niayes et pose la question de la déclassification des forêts classées de Rao et Pir-Goureye !
Il préconise pour une meilleure préservation de l’environnement d’élaborer un PAR par zone agro-écologique et de disposer d’un plan de reboisement permettant de remplacer chaque pied abattu par au moins deux autres pieds. LEGS AFRICA exige à ce que les textes sur la protection de l’environnement et des espèces soient strictement respectés et demande à ce que des études supplémentaires sur les risques de pollution des nappes, des mares et de l’air soient effectuées.
la mise en place d’un organe indépendant et inclusif chargé du suivi des engagements
LEGS AFRICA demande la mise en place d’un organe indépendant et inclusif chargé du suivi des engagements sachant que si les entreprises s’évertuent à défendre leurs intérêts, les agents de l’Etat peuvent être soumis à des pressions émanant d’une volonté politique vacillante.
Enfin, LEGS-Africa appelle les communautés riveraines et les différentes parties prenantes citoyennes engagées dans la défense des droits des communautés et de l’environnement, à se mobiliser et s’organiser dans une action collective pour exiger l’implication effective des populations et acteurs directement concernés par le trajet de cette infrastructure pour s’assurer qu’un tel projet ne puisse se réaliser que dans le respect des normes sociales et environnementales requises.
Egalement LEGS-Africa demande à l’autorité administrative en charge de bien vouloir demander une reprise de l’étude d’impact et du PAR, dans une approche plus inclusive et contradictoire avec les différentes parties prenantes avant toute validation.