La Cour suprême du Brésil a reporté « sine die » le jugement d’une demande de libération de l’ex-président Lula prévu mardi, deux jours après des révélations sur la partialité de ceux qui l’ont condamné pour corruption. Un autre recours de la défense de Lula pourrait revenir à l’ordre du jour le 25 juin, et aurait selon certains commentateurs brésiliens, plus de chance d’aboutir.
La demande de libération de l’ex-président Lula da Silva faisait partie de sujets à l’ordre du jour de cinq des onze juges de la Cour suprême réunis mardi, mais la session s’est achevée sans qu’il ne soit abordé.
Et pour cause : depuis dimanche, le Brésil vit sous le coup des révélations explosives du site internet The Intercept qui a dévoilé des manoeuvres de responsables de la vaste enquête anticorruption Lavage Express (ou Lava Jato) pour empêcher l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva de se présenter à la présidentielle de 2018, pour laquelle les sondages lui promettaient la victoire.
Sergio Moro, l’incorruptible touché au coeur
Ainsi, des échanges sur la messagerie Telegram rendus publics par ce site d’investigation (fondé par Glenn Greenwald, qui avait rendu public les révélations d’Edward Snowden sur les agissements de la NSA) montrent que l’actuel ministre de la Justice Sergio Moro, qui était alors le juge chargé des dossiers de Lavage express et normalement tenu à la plus totale impartialité, a fourni conseils et directives aux procureurs en défaveur de Lula.
Les extraits, publiés dimanche, incluent des échanges au cours desquels Sergio Moro fait des suggestions aux procureurs sur l’objet, le rythme et le déroulement des enquêtes.
À partir de ces informations publiques, les avocats de Luiz Inacio Lula da Silva, icône de gauche qui reste l’une des figures de l’opposition les plus influentes au Brésil, ont demandé à la Cour suprême sa libération et l’annulation de sa condamnation. Selon des analystes, les révélations d’Intercept ont motivé l’inscription à l’ordre du jour de l’examen de la demande de libération de Lula, qui était initialement prévu dans les prochaines semaines.
Mis en cause par ces révélations rendues possibles par une source anonyme, Sergio Moro a réagi samedi à Brasilia en déclarant que les messages diffusés jusqu’à présent ne montraient aucune conduite inappropriée de sa part. « Concernant le contenu des messages qui me citent, il n’y a aucun signe d’anomalie ou de pilotage des actions en tant que magistrat, malgré le fait qu’ils aient été sortis de leur contexte », dit-il dans un communiqué. Il a également reproché à The Intercept de ne pas nommer « la personne responsable de l’intrusion criminelle dans les téléphones portables des procureurs ».
Nouveau jugement le 25 juin
En juillet 2017, Sergio Moro avait condamné en première instance l’ex-président de gauche, pour corruption et blanchiment d’argent. Un an et demi plus tard, il a abandonné la magistrature pour rejoindre le gouvernement du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, élu fin octobre. Pour sa part, l’ex-président Lula, déclaré inéligible, n’a pu se présenter à la présidentielle d’octobre remportée par Bolsonaro.
Le jugement n’a finalement pas eu lieu, mais les magistrats de la Cour suprême ont fixé au 25 juin le jugement d’un autre recours de la défense de l’ex-président visant à obtenir sa libération. Ce recours, qui remet justement en cause l’impartialité de Sergio Moro en raison de sa présence ultérieure au gouvernement, a été déposé bien avant les révélations d’Intercept. Certains analystes considèrent qu’il aurait plus de chances d’aboutir que celui qui devait être jugé mardi et qui portait sur des critères plus techniques. Il pourrait aussi revenir à l’ordre du jour le 25 juin.
Rfi