Jusqu’ici, le président Pierre Nkurunziza n’avait jamais caché son envie de rester au pouvoir. Ne craignant pas d’assurer publiquement qu’il a été choisi par Dieu pour diriger le Burundi, il avait déclaré à plusieurs reprises qu’il était prêt à se représenter si la population le lui demandait. Il a donc surpris tout son monde hier, en annonçant hier, au moment de son triomphe après avoir promulgué une nouvelle Constitution qui lui donne la possibilité de rester au pouvoir jusqu’en 2034. Officiellement, il s’agit pour lui de respecter la parole donnée il y a trois ans. Mais des spécialistes pointent notamment le lâchage régional, des dissensions internes et les conséquences des sanctions européennes.
Depuis trois ans et le début de la crise au Burundi, Pierre Nkurunziza et son régime ont tenu bon, grâce notamment au soutien des pays africains.
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Mais en refusant catégoriquement toute négociation avec son opposition, le président Pierre Nkurunziza s’est mis à dos les pays de la Communauté des états de l’Afrique de l’est, en charge de ce dialogue de sortie de crise. Et sa décision il y a quelques mois d’organiser un référendum constitutionnel sans consensus national, aurait fini par exaspérer tout le monde.
D’où la décision du Comesa, le Marché commun des Etats d’Afrique australe et orientale, de délocaliser à la dernière minute et sans explications un sommet des chefs d’Etat qui devait se tenir en ce moment même à Bujumbura.
Le pouvoir burundais en avait fait une large publicité, en expliquant qu’elle allait signer son retour sur la scène régionale. Son brutal retrait est considéré comme un camouflet pour le président burundais en personne.
Autre raison avancée, il y a aussi les effets des sanctions de l’Union européenne et de ses Etats membres, les plus gros bailleurs de fonds de ce pays classé parmi les cinq plus pauvres du monde. Il fait face à une grave crise socio-économique, à de nombreuses épidémies, manque de devises et de médicaments.
Enfin, il y aurait toujours selon les mêmes sources, des dissensions internes autour d’une nouvelle candidature du président Nkurunziza, au sein des principaux chefs militaires issus de l’ex-rébellion aujourd’hui au pouvoir au Burundi, malgré l’unité de facade affichée par le CNDD-FDD.
L’opposition demande à voir…
« Le président Nkurunziza se devait de donner des gages pour sortir de cette mauvaise passe », explique l’un d’eux, d’où son annonce. Reste à savoir si c’est suffisant, dit-t-il en rappelant le caractère changeant du personnage.
L’opposition en exil doute en tout cas de sa sincérité. Pancrace Cimpaye, le porte-parole du Cnared, la plateforme de l’opposition en exil, ne croit pas un seul instant à cette promesse présidentielle. « En 2015, il n’a annoncé sa candidature qu’à un mois des élections. Et souvenez-vous que l’argumentaire de 2015, c’était de dire « les militants m’ont demandé de les représenter, c’est eux qui décident, c’est la volonté des militants qui prime, rappelle-t-il. M. Nkurunziza veut gagner du temps. la nouvelle Constitution est une pomme qui est difficile à avaler, il est en train de chercher des voies et moyens de désamorcer la pression, et surtout de distraire la communauté internationale et le peuple burundais, afin qu’en 2020, il revienne au galop avec sa présidence à vie. »
Cette décision du président, élevé récemment au rang de « guide suprême éternel » de son parti, est-elle définitive? Pour André Guichaoua, chercheur à la Sorbonne et spécialiste des Grands Lacs, « il est trop tôt pour se prononcer sur les suites de cette annonce puisqu’on n’en connaît pas exactement les motivations et les contraintes qui ont débouché sur ce résultat. La question dépend de l’appareil du CNDD-FDD, qui est avant tout soucieux de sa propre reproduction collective et surtout de sa capacité à maintenir son emprise sur les populations et les ressources. Emprise qui repose, depuis quelques temps surtout, sur ces pratiques autoritaires relativement inédites et fortes, et à une situation sociale et économique difficile, si ce n’est catastrophique. »