Très peu en réussite face à la Tanzanie pour ses débuts à la CAN, l’attaquant du Sénégal Mbaye Niang n’a pas non plus trouvé le chemin des filets face à l’Algérie. Pourtant, en quête d’un premier titre continental, le Sénégal compte plus que jamais sur le joueur de 24 ans, à la carrière mouvementée, pour aller chercher enfin la Coupe d’Afrique des nations. Si le numéro 9 s’épanouit aujourd’hui en sélection, rien n’a été simple au début de son histoire avec les Lions.
De notre envoyé spécial au Caire,
L’histoire de Mbaye Niang est un pan de l’histoire du football qui se répète sans cesse. Celle d’un talent précoce à qui on prédit un destin royal, qui se perd en route avant de retrouver le fil de sa carrière et arpenter les marches de la rédemption. Etre titulaire à 24 ans à Rennes (France) et en équipe nationale du Sénégal n’était pas forcément ce que les oracles du foot avaient prédit pour Mbaye Niang, « bébé buteur » à juste seize ans et quatre mois en Ligue 1 (deuxième plus jeune buteur de l’histoire du championnat de France derrière Laurent Roussey, AS Saint-Etienne). Mais la trajectoire de l’attaquant a été tellement sinueuse que voir celle-ci épouser les contours de la stabilité, aussi bien en club qu’en sélection, ravit et redonne espoir à ses admirateurs. « Je suis heureux et fier de voir qu’il est posé », confie Pape Fall, ancien international sénégalais et ex-adjoint de l’entraîneur caennais Franck Dumas qui a lancé Mbaye Niang en Ligue 1.
La bourde de la FSF
Proche du gamin de Meulan, Fall a été témoin de l’éclosion du phénomène, ado de 16 ans au gabarit d’adulte (1,84 m pour 75 kg). Surclassé dans toutes les catégories d’âge, Niang, né Meulan-en-Yvelines (France) de parents sénégalais, découvre rapidement la Ligue 1 avec son club formateur Caen et se met très vite à rêver du maillot des Lions. « Je n’arrêtais de lui parler de l’équipe nationale du Sénégal, se souvient Pape Fall, et un beau jour, il m’a dit : ‘’Pape, je veux jouer pour le Sénégal’’. J’ai entrepris les démarches dans ce sens ». La suite va constituer, pendant des années, l’un des plus gros ratés de la Fédération sénégalaise de football.
Mbaye Niang est appelé en juin 2011 pour disputer un match avec la sélection espoirs du Sénégal face à la Tunisie en éliminatoires de la CAN U23. Il ne prendra jamais part à cette rencontre malgré sa présence à Tunis et dans le Stade de Rades. La version officielle de son absence : la France, avec qui Niang a évolué en moins de 17 ans, a laissé traîner le dossier pour le changement de nationalité sportive. En réalité, la fédé sénégalaise a commis une énorme bourde en se trompant de photo au moment de confectionner le passeport du prodige caennais. Tout cela découvert à quelques heures du match évidemment. L’affaire douche la motivation de Niang et de son père qui attend toujours les excuses de la Fédération sénégalaise. Le jeune joueur ne répond pas à une nouvelle convocation des Lionceaux deux mois plus tard et préfère dire « oui » aux Bleuets en août 2011.
Franck Dumas : « il est mort pour le foot »
Moins d’un an plus tard, Niang est transféré à l’AC Milan (Italie). Nouveau club, nouvelles ambitions, et nouvelle réflexion sur sa carrière professionnelle et internationale. En passant de Caen, qui lutte pour le maintien en France, à une équipe aussi prestigieuse que l’AC Milan avec des stars comme Mario Balotelli, Philippe Mexes, Robinho, Pato, Mbaye Niang se met à voir la vie en bleu avec l’équipe de France.
Mais Hamady (son deuxième prénom) tarde à répondre aux attentes que son talent suscite et fait plus parler par ses écarts en dehors du terrain que par ses exploits sur le rectangle vert. Il est arrêté pour conduite sans permis et surtout se trouve impliqué dans une virée nocturne des Bleuets lors d’un rassemblement de l’équipe de France Espoirs. La Fédération française de football le suspend un an, son ancien entraîneur Franck Dumas n’est pas tendre avec lui : « Il a brûlé tous ses jokers. S’il ne le comprend pas, il est mort pour le foot ».
Le Sénégal veut profiter de la brèche ouverte par la suspension de Mbaye Niang pour récupérer le joyau qui brille moins. Le 1er août 2013, il est convoqué en équipe A du Sénégal par le nouveau sélectionneur français Alain Giresse, pour un match amical contre la Zambie. Il décline. Comme il refusera également de prendre part à la CAN 2015. « Pour être international, que ce soit au Sénégal ou en équipe de France, il faut avoir du temps de jeu, lâche-t-il au cours d’une émission télé. Aujourd’hui, je ne suis pas dans ce cas-là. Je n’ai pas assez de temps de jeu pour postuler en équipe nationale du Sénégal. Quand l’occasion se présentera et que j’aurai le temps de jeu nécessaire et les performances, je me poserai des questions ».
Le temps de jeu et la régularité, Mbaye Niang les cherchera pendant longtemps. En quatre ans (2014-2018), il connaît cinq clubs : Milan, Montpellier, Genoa, Watford, Torino. Coté coulisses, cela ne s’arrange pas non avec un accident avec sa Ferrari à Montpellier pour lequel il sera été condamné à dix-huit mois de prison avec sursis.
« Soif de marquer… »
Aujourd’hui, après des années à (se) chercher, l’ex-prodige de Caen semble avoir trouvé la voie de la sagesse et se montre résolu à rattraper le temps perdu. En club d’abord avec cette décision de rester et de signer trois ans à Rennes avec qui il a effectué la meilleure saison de sa carrière avec 14 buts. En sélection ensuite avec le choix de répondre enfin aux Lions en disant «oui» à Aliou Cissé en septembre 2017, après une cour de l’ancien défenseur, devenu coordinateur de la sélection, Lamine Diatta. Cette convocation avait déclenché sur les réseaux sociaux l’ire de plusieurs supporters qui ne lui avaient pas pardonné ses refus antérieurs. Mais Niang a su retourner la situation en sa faveur avec des buts, dont celui inscrit contre la Pologne lors du premier match des Lions à la Coupe du monde 2018, et une implication qui transpire dans ses matches et discours.
« Mbaye s’est assagi, il s’est calmé, il a plus d’expérience dans la vie, note avec plaisir Pape Fall. Il vient aussi d’avoir un enfant et il a pris conscience qu’il n’a plus le droit à l’erreur. Il s’est posé à Rennes et avec le Sénégal, il a vraiment soif de marquer. »
Marquer des buts, il n’y arrive pas encore dans cette CAN, et son sélectionneur commence à avoir une reflexion à son poste. Contre le Kenya lundi, s’il est titulaire, ce sera peut-être sa dernière chance de montrer qu’il est le buteur que le Sénégal attend pour aller au bout de l’aventure.