La Cédéao a finalement levé, dimanche dernier, au sommet d’Accra, les sanctions contre le Mali imposées à Bamako depuis le 9 janvier dernier. Dans sa réaction, le gouvernement malien laisse transparaître un sentiment de fierté et de victoire, après avoir résisté, malgré la dureté de l’épreuve. En effet, au lieu de calmer le jeu, Bamako répète les mêmes mots utilisés lors de la sanction, il y a 6 mois. Même si le gouvernement salue ‘’une convergence de vue ayant permis de parvenir à un compromis’’, Bamako ne dénonce pas moins « sept mois de sanctions illégales, illégitimes et inhumaines contre le Mali ».
Le Gouvernement remercie également le colonel Doumbouya de la Guinée ainsi que Ghazouani de la Mauritanie et Tebboune de l’Algérie pour leur soutien durant l’épreuve. Une façon pour le colonel Goïta et Cie de dire qu’ils ont su trouver des alternatives afin de tenir la dragée haute à la Cédéao.
Du côté de la Cédéao, on reconnaît aujourd’hui des avancées avec la mise en place de l’Agence Indépendante de Gestion des Élections grâce à la promulgation, le 24 juin 2022, d’une nouvelle loi électorale. « La Conférence prend également note du calendrier de la transition soumis par les Autorités de la Transition qui donnent une durée de 24 mois à compter du 29 mars 2022 », indique le communiqué final.
Un discours modéré de la Cédéao, loin du radicalisme dont elle avait fait montre au début de la crise. Les chefs d’Etats n’ont jamais voulu accorder deux ans à la junte au Mali. Même une période de 18 mois leur a paru excessive à un moment donné. Aujourd’hui, face à la détermination de Bamako et le soutien de l’opinion publique africaine, l’instance régionale est contrainte de mettre la pédale douce. Surtout que la Guinée, la Mauritanie et l’Algérie ont pu aider le Mali à atténuer les conséquences. Ce qui est aussi un échec de la Cédéao.
C’est sans doute ce qu’a compris l’instance qui a évité de répéter les mêmes erreurs avec le Burkina et la Guinée. Les chefs d’Etats disent avoir eu un accord pour deux ans de transition avec Ouagadougou. Ce qui était impensable il y a 6 mois. Même la Guinée qui n’a pas encore donné de gage précis bénéficie de sursis jusqu’au 1er août 2022 pour présenter un calendrier acceptable. « Passé ce délai, des sanctions économiques et financières ainsi que des sanctions ciblées contre des individus ou des groupes entreront immédiatement en vigueur », menace la Cédéao.
Cet assouplissement montre que la Cédéao s’est rendu compte qu’elle ne pouvait pas tenir cette position radicale au risque de se décrédibiliser. Aujourd’hui qu’elle semble changer de fusil d’épaule, il lui faut désormais faire face à un défi de taille : couper le mal à la racine.
En effet, les problèmes fondamentaux dans la sous-région ont pour noms tripatouillage de constitution, 3ème mandat et élimination des opposants par la prison ou l’exil afin de gagner des élections dont on n’est pas sûr de remporter, si le jeu reste équilibré et transparent. Il faut juguler les coups d’État constitutionnels ou politiques (prison, exil, parrainages…) afin d’éradiquer les putschs militaires.
Face à un président soi-disant élu qui ne bénéficie d’aucune légitimité, il est difficile d’invoquer le manque de légitimité d’un militaire, même si ce dernier n’a que le mérite d’avoir utilisé son outil de travail contre le pouvoir.
Or, face à Alassane Ouattara qui a déjà franchi le pas et Macky Sall qui semble décidé à y aller, la Cédéao se retrouve dans une position inconfortable face à la question du 3ème mandat. Ce qui rend sa parole moins crédible auprès des putschistes et d’une frange de l’opinion. En effet, que le coup d’Etat soit militaire, constitutionnel ou même politique, il reste un coup d’Etat, disent certains.
Pendant ce temps, l’instance semble avoir du mal à raisonner les présidents en exercice, tant ces derniers sont attachés au pouvoir. Et c’est pourtant une mission qu’il faudra réussir. Sinon, les modifications de constitutions et le 3ème mandat vont toujours justifier les coups d’État militaires, légitimes ou pas !
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