CHEZ LES LAYÈNES, ON SE MARIE À 5000 FRANCS

Une des principales confréries islamiques soufies du Sénégal, les Layènes se distinguent de leurs coreligionnaires par certaines pratiques dont les mariages collectifs entre adeptes. Célébrées annuellement lors de la ‘’ziarra’’ (renouvellement d’allégeance) au Khalife général (guide de la confrérie), ces unions sont contractées par plus d’une centaine en un après-midi et sur la base d’une dot symbolique de 5000 FCFA.
En ce samedi, jour de la ‘’ziarra’’ à l’actuel Khalife général des Layènes, Abdoulaye Thiaw Laye, l’union de 132 couples est un des temps forts de l’évènement. Les mariages sont prévus comme d’habitude sur la Grand-Place de sable fin de Yoff- Diamalaye, quartier jouxtant la mer et un des fiefs des Layènes.

Peu après 17 heures, le muezzin lance l’appel à la prière et un homme annonce à la foule recueillie que les nouvelles mariées recevront leurs dots, peu après la prière de ‘’takussaan’’. Pourtant, cette année, une petite entorse a été faite à la cérémonie : compte tenu du grand nombre d’unions à célébrer, des mariages ont été scellés un peu plus tôt dans la journée.

Abdoulaye Mbengue qui est venu demander la main d’une fille pour son frère absent, a pu en profiter et il est tout heureux. « Moi aussi, c’est là où j’ai trouvé ma première épouse. Je me prépare pour une deuxième», lance-t-il fièrement avant d’exhiber l’attestation de mariage de son frangin délivrée par l’imam de la grande mosquée de Yoff Layène.

Mamadou Laye Sène, membre du dahira (groupe d’adeptes) layène de Thiaroye-sur-mer, voit, lui, dans cette tradition instaurée par Seydina Limamou Laye, (1843-1909, le fondateur de la confrérie) un moyen de lutter contre la dépravation des mœurs. Pour Sène, il s’agit là également d’une preuve de « sagesse » de la part de son guide qui permet aux jeunes de s’éviter des maladies incurables comme le sida.

Tout en acquiesçant, Abdourahmane Thiaw Laye, secrétaire général des Fédérations des dahiras layènes du Sénégal, rappelle que leur guide n’a fait que revaloriser « une sunna du prophète Muhammad (PSL) ». « Nous la (sunna) revivifions à l’occasion de cette ziarra à travers des séances foraines où l’on marie les célibataires, les divorcés, les veufs et les veuves », ajoute-t-il.

Le responsable précise en outre que les mariages sont contractés selon les quatre conditions fixées par l’islam : le consentement des personnes à marier, l’approbation du tuteur de la femme, la présence de deux témoins et le versement de la dot à la femme.

En plus des 5000 FCFA versés à la mosquée, une somme pareille est prévue pour la dot. Elle est calculée sur la base de la valeur du quart du dinar retenu « entre 4500 et 5000 FCFA ».

Après cette dot symbolique, le nouvel époux peut, s’il le désire et en a les moyens, donner une substantielle enveloppe à son épouse. Certes « la femme mérite même un milliard. Mais il y a un hadith qui dit que le mariage qui reçoit la dot la plus petite a plus de baraka », souligne Abdourahmane Thiaw Laye, rappelant que l’année dernière 132 couples avaient également été unis.

Autre pratique enseignée par « Baye Laye » (surnom de Seydina Limamou Laye) : dès sa naissance, une fille peut être donnée en mariage, suivant les préceptes islamiques. Toutefois à sa majorité, on la consultera pour savoir si elle veut ou non l’époux qu’on lui a choisi. En cas de réponse négative, le mariage est annulé et la dot remboursée à l’époux ou à sa famille.

Dans ces genres de mariage, les parents du marié font tout pour que ça marche en assurant un « suivi » régulier des rapports entre les conjoints. « On essaie de responsabiliser le garçon en lui faisant savoir que celle-ci est son épouse. On lui donne des cadeaux pour qu’il aille les lui remettre », explique sous le couvert de l’anonymat un homme bien au fait des mariages collectifs.

Rappelant que le prophète Mohammad (PSL) avait épousé Aicha lorsqu’elle avait 6 ans, il informe que beaucoup personnes voyant que les Layènes perpétuent cette pratique ont tendance aujourd’hui à marier très tôt leurs enfants ou leurs petits-enfants.

Tout en combattant les dangers du célibat et la pression sociale, ces mariages brisent certains préjugés de la société sénégalaise où les ‘’castés’’ (griots ou autres forgerons) ne peuvent s’unir qu’avec les femmes de leur rang.

Dans l’optique de bannir cela, les Layènes cultivent l’humilité chez leurs adeptes en les obligeant durant les cérémonies religieuses à se vêtir de blanc (percale, en particulier), à se faire appeler du même nom de Laye et à s’accroupir à même le sol.

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