Voilà qui ne devrait pas arranger les relations entre Ottawa et Pékin. Déjà condamné à quinze ans de prison pour trafic de drogue, le canadien Robert Lloyd Schellenberg a été condamné ce lundi à la peine capitale et la confiscation de ses biens par un tribunal du nord-est de la Chine. Cette sentence intervient en effet dans un contexte tendu entre les deux pays suite à l’arrestation de la directrice financière de Huawei à Vancouver à la fin de l’année dernière.
De notre correspondant à Pékin
Robe noire, les yeux rivés sur la sentence qu’elle tient à deux mains devant elle, la juge du tribunal intermédiaire de Dalian « rejette les explications de la défense (et) condamne l’accusé à la peine capitale » dans ces images diffusées par la télévision centrale de Chine. Robert Llyod Schellenberg est debout lui aussi. Il acquiesce quand on lui demande s’il a compris le verdict.
Accélération de la procédure
Accusé d’avoir joué un « rôle clé » au sein d’un « gang international » qui a préparé l’expédition de 222 kilos de méthamphétamine en Australie, dissimulés dans des pneus en caoutchouc, ce dernier semble sonné par l’accélération prise par la procédure.
Interpellé en 2014, il a fallu deux ans aux autorités chinoises pour amener ce Canadien âgé de 36 ans à son premier procès. Deux ans supplémentaires pour le condamner en première instance alors que ce dernier continue de plaider son innocence, répétant ce lundi être venu en Chine en « simple touriste ».
Son recours rejeté il y a à peine deux semaines débouche aujourd’hui sur une nouvelle condamnation, dans un procès qui a duré une journée, et en présence de diplomates étrangers et, chose encore plus rare, de trois journalistes étrangers dont une consœur de l’AFP.
Diplomatie des menottes
Pour de nombreux observateurs occidentaux, le cas serait devenu politique. « De nombreux éléments dans cette affaire soulèvent de graves questions. En particulier la précipitation avec laquelle ce nouveau procès a été organisé », affirme William Nee, d’Amnesty International cité par l’AFP. La province du Liaoning où a été prononcé le verdict est aussi celle où a été arrêté l’un des deux Canadiens — Michael Spavor et Michael Kovrig — soupçonnés de menace à la sécurité de l’Etat chinois le 10 décembre dernier.
Quels que soient les torts de M. Schellenberg, « il est devenu un pion » a confié au New York Times le porte-parole de sa famille au Maryland. Quand d’autres sur les réseaux chinois trouvent qu’au contraire le Canadien aurait bénéficié d’indulgence dans son premier procès, soulignant la sévérité de la justice chinoise concernant le trafic de stupéfiants. Des étrangers ont déjà été condamnés à mort en Chine pour avoir été mêlés à des affaires de trafic de drogue. Quatre Japonais, un Britannique et un Philippin ont été exécutés entre 2009 et 2013 en Chine.
Dans cette diplomatie des menottes entre Pékin et Washington, treize Canadiens ont déjà été interpellés en Chine. Robert Lloyd Schellenberg a maintenant dix jours pour faire appel. Le renvoi du procès donnant l’occasion à Pékin de faire planer une épée de Damoclès sur ce ressortissant canadien, et cela aussi longtemps que nécessaire.
Au Canada, les réactions ne se sont pas fait attendre : la condamnation à mort « arbitraire » d’un Canadien en Chine jugé pour trafic de drogue est très « inquiétante » a affirmé le Premier ministre canadien Justin Trudeau, qui promet d’intervenir. De son côté, le porte-parole de la diplomatie chinoise s’est dit « très préoccupé » par l’arrestation d’un employé de Huawei en Pologne, soupçonné d’espionnage.
Rfi