1er janvier 2020 : les autorités chinoises décident de fermer le marché de fruits de mer de Huanan à Wuhan, énorme agglomération de 11 millions d’habitants au centre de la Chine. On y vend de nombreuses espèces, pas seulement issues des océans. Laquelle est à l’origine de la propagation d’un nouveau coronavirus ? Pour le moment, impossible de le dire avec certitude. La veille, le 31 décembre 2019, la première alerte était lancée auprès de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Parmi les premiers malades, plusieurs travaillaient sur les lieux. Sur ce même marché est également vendue la civette, petit mammifère dont la viande serait particulièrement appréciée dans la région. L’épidémie de Sras, qui avait tué près de 650 personnes en Chine au début des années 2000, était partie de cet animal en théorie interdit de consommation. Mais un autre doute subsiste. Les premiers symptômes seraient apparus dès le début du mois de décembre chez un patient qui n’aurait pas fréquenté le marché. Le 7 janvier, les premières analyses chinoises permettent d’identifier un nouveau coronavirus.
Transmission entre humains
Quelle que soit l’origine précise de la contamination, la maladie se propage à grande vitesse. De jour en jour, de nouveaux cas sont décelés à Wuhan et bientôt dans d’autres régions de la Chine. Le 11 janvier, Pékin annonce un premier mort. Il sera suivi de centaines d’autres, le recensement restant lui aussi soumis aux doutes. À Wuhan, deux hôpitaux sont construits en urgence. Le 20, la transmission entre humains est confirmée.
Pétrole touché, voyages déconseillés
Malgré les mesures inédites de quarantaine – elles concernent des dizaines de millions de personnes –, le virus traverse les frontières. À ce jour, une vingtaine de pays, en Asie, en Océanie, en Europe et en Amérique du Nord a confirmé des cas d’infection. L’Afrique n’est pas encore officiellement touchée, mais s’y prépare. Les aéroports mettent en place des contrôles de plus en plus stricts, avec des caméras thermiques évaluant la température interne des passagers en provenance de Chine. Une à une, les compagnies aériennes suspendent leurs liaisons avec le géant d’Asie. Les gouvernements déconseillent les voyages. Le trafic est fortement perturbé, le secteur pétrolier s’inquiète d’une diminution généralisée de la consommation. Les producteurs étant fortement dépendants de la demande chinoise, les cours du brut sont en forte baisse. Bien d’autres pans de l’économie sont touchés par l’incertitude : tourisme (des milliers de passagers sont placés en quarantaine sur des bateaux de croisière), électronique, industrie, restauration. Seuls les fabricants de masques tirent leur épingle du jeu. Les pharmacies et autres points de vente de matériel de protection sont pris d’assaut.
Début février, le coronavirus est qualifié de « plus contagieux pour l’économie que le Sras ». Sur place, en Chine, l’activité se réduit brusquement. Foxconn, principal fournisseur au monde de composants électroniques, sous-traitant d’Apple et de Huawei, autorise son personnel taïwanais en Chine à ne pas reprendre leur poste avant la mi-février. Apple place des milliers d’ouvriers en quarantaine dans une usine géante de production d’iPhone. Le travail s’arrête à Wuhan, épicentre de l’épidémie désormais coupé du monde, fief du secteur automobile avec la présence de Dongfeng, deuxième constructeur du pays, mais aussi de PSA et Renault. Les transports sont interrompus, les festivités du Nouvel An chinois, source de très nombreux déplacements, sont annulées. Les marchés financiers accusent le coup. Face au risque de paralysie, la banque centrale chinoise décide d’injecter 1 200 milliards de yuans – 156 milliards d’euros – pour soutenir l’économie.
Donald Trump propose son aide
Le 30 janvier, l’OMS décrète l’urgence sanitaire mondiale. Les pays qui en ont les moyens rapatrient leurs ressortissants. La Russie décide de fermer sa frontière avec la Chine. Donald Trump propose l’aide des États-Unis, se disant « en étroite communication avec la Chine ». Mais quelques jours plus tard, les autorités américaines interdisent l’entrée sur leur territoire des étrangers passés récemment par la Chine. Pékin accuse Washington de « semer la panique ». L’ambassadeur à Londres accuse le Royaume-Uni d’avoir « réagi de manière excessive » en demandant à ses ressortissants de quitter le territoire chinois.
Dénonciation encouragée
En Chine, la gestion de la crise est de plus en plus critiquée. Le gouvernement finit par reconnaître « des défaillances ». Certains lui reprochent aussi des méthodes énergiques : des drones survolent les villes pour rappeler aux citoyens les consignes, mesurer leur température, pulvériser du désinfectant. Des personnes soupçonnées d’avoir contracté le virus sont enfermées chez elles. La dénonciation est encouragée. Celles et ceux qui signaleraient la présence de personnes venues de la région de Wuhan peuvent bénéficier de primes. À Nanchang, dans le centre de la Chine, des pharmacies doivent fournir aux autorités l’identité des personnes achetant des médicaments contre la toux ou la fièvre. Des barricades sont installées. À Wuhan, un responsable local admet « un grave manque de lits et de matériel ».
Recherche d’un vaccin
Pendant ce temps, les chercheurs s’activent. L’OMS lance un appel de fonds de 675 millions de dollars (613 millions d’euros). L’organisation de l’ONU chargée de la santé annonce l’envoi de 250 000 tests dans plus de 70 laboratoires du monde entier. L’Union européenne débloque 10 millions d’euros pour la recherche. Après des équipes chinoises et australiennes, l’Institut Pasteur à Paris parvient à mettre en culture des souches du virus. D’autres initiatives se mettent en place : la fondation Bill et Melinda Gates s’engage à investir 100 millions de dollars pour la lutte contre le nouveau coronavirus, dont 60 millions seront consacrés à la recherche de vaccins, de traitements et d’outils de diagnostics.
Rumeurs et stigmatisation
Avec la propagation du coronavirus, d’autres maladies apparaissent, alimentées par les réseaux sociaux. Les rumeurs ou fausses informations se multiplient. Les médecins ou spécialistes de l’épidémiologie font la tournée des médias pour les démentir ou rétablir des vérités scientifiques. Autre mal lié à la peur et à l’incertitude : la stigmatisation des personnes d’origine asiatique. L’Association des Chinois résidant en France reporte le défilé du Nouvel An lunaire pour « risques sanitaires et psychose ». Pour dénoncer les préjugés racistes, un hashtag est né : #jenesuispasvirus