En Côte d’Ivoire, la campagne électorale en vue de la présidentielle du 31 octobre a débuté, jeudi, dans un contexte tendu. L’opposition fustige la candidature du président sortant, Alassane Ouattara, rendue possible par l’approbation du Conseil constitutionnel. Une situation que dénonce les opposants.
La campagne électorale pour la présidentielle du 31 octobre en Côte d’Ivoire a débuté jeudi. Le président sortant, Alassane Ouattara, brigue un troisième mandat controversé. Il fait face à une opposition qui a appelé à la « désobéissance civile » et au boycott dans un contexte tendu.
Un appel au « boycott actif » du « processus électoral »
Les deux principaux candidats de l’opposition ont appelé, jeudi, leurs militants au « boycott actif » du « processus électoral », lors d’une conférence de presse de l’ancien Premier ministre Pascal Affi N’Guessan et de l’ancien président Henri Konan Bédié, tous deux candidats.
« Nous avons décidé de porter solennellement à la connaissance du peuple de Côte d’Ivoire que le processus électoral en cours ne nous concerne nullement (…) que ce processus électoral est illégal », a déclaré Pascal Affi N’Guessan, « Nous invitons nos militants (…) à mettre en application le mot d’ordre de boycott actif par tous les moyens légaux à leur disposition, afin que le pouvoir actuel consente à convoquer l’ensemble des forces politiques nationales afin de trouver des solutions acceptables à toutes les revendications » (de l’opposition).
Il a demandé aux militants de « s’abstenir de participer, tant en ce qui concerne la distribution des cartes électorales qu’en ce qui concerne la campagne électorale », et de « faire barrage au coup d’֤État électoral que le président Alassane Ouattara s’apprête à commettre », et d' »empêcher la tenue de toute opération liée au scrutin ».
Pascal Affi N’Guessan n’a cependant pas précisé si le boycott concernait la campagne ou le scrutin, laissant planer le flou. Les deux hommes n’ont pas répondu aux questions mais promis une conférence de presse vendredi.
Quarante candidatures refusées
Quatre candidats seulement sont en lice. Alassane Ouattara, 78 ans, l’ancien président Henri Konan Bédié, 86 ans, ainsi que deux outsiders, Pascal Affi N’Guessan [ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo] et l’ancien député Kouadio Konan Bertin.
Le Conseil constitutionnel ivoirien a en effet rejeté 40 des 44 candidatures, dont celles de deux figures de la politique ivoirienne, l’ancien président Laurent Gbagbo, en liberté conditionnelle en Belgique après son acquittement en première instance par la Cour pénale internationale, et Guillaume Soro, ancien chef de la rébellion des années 2000 et ex-Premier ministre, qui vit en France pour échapper aux poursuites judiciaires lancées contre lui en Côte d’Ivoire.
L’opposition crie à la « forfaiture » contre la candidature d’Alassane Ouattara.
Élu en 2010, réélu en 2015, Alassane Ouattara avait annoncé en mars qu’il renonçait à briguer un troisième mandat, avant de changer d’avis en août, après le décès de son dauphin désigné, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly.
La loi ivoirienne prévoit un maximum de deux mandats, mais le Conseil constitutionnel a estimé qu’avec la nouvelle constitution de 2016, le compteur des mandats d’Alassane Ouattara a été remis à zéro, ce que conteste farouchement l’opposition.
Une quinzaine de personnes sont mortes en août dans des violences survenues dans le sillage de l’annonce de sa candidature et des échauffourées ont eu lieu dans plusieurs localités, après l’annonce du Conseil constitutionnel de la liste des candidats retenus pour le scrutin.
L’opposition, qui accuse de partialité la Commission électorale indépendante (CEI) et le Conseil constitutionnel, laisse planer le doute sur un boycott depuis des semaines.
La participation des quelque 7,5 millions d’électeurs de ce pays de 25 millions d’habitants, premier producteur mondial de cacao, sera une des clés de l’élection. De nombreux observateurs craignent une forte abstention dans un pays où l’âge médian est de 18,7 ans alors que les deux principaux candidats dominent la scène politique depuis trente ans.
De nombreux observateurs redoutent une crise pré-électorale ou post-électorale, dix ans après celle de 2010-2011 qui avait fait 3 000 morts et plongé le pays dans le chaos. Signe de l’inquiétude générale, la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), l’Union africaine (UA) et les Nations unies ont dépêché sur place une mission qui a exprimé sa « vive préoccupation », soulignant que « les discours de haine aux relents communautaires se sont malheureusement invités dans le champ de la compétition politique ».
L’organisation de prévention des conflits International Crisis Group (ICG) préconise elle « un court report de l’élection » qui « offrirait une chance […] d’apurer le contentieux qui rend improbable l’organisation d’une élection apaisée et transparente le 31 octobre ».