Le 3 juillet prochain, Abidjan accueillera une réunion des acteurs des filières cacao ivoirienne et ghanéenne afin de discuter des modalités de la mise en place d’un prix plancher. Mercredi 12 juin en effet, les deux pays, qui représentent les 2 tiers de la production mondiale de cacao, ont décidé de faire pression sur les marchés en suspendant les ventes de la récolte 2020-2021 afin de faire remonter les cours. En Côte d’Ivoire, où le cacao pèse 10% du PIB, ces cours mondiaux trop bas font que les producteurs de « l’or brun » se sentent abandonnés et ne parviennent pas à sortir la tête de l’eau. Reportage.
Les cacaoyers d’Augustin Daouda Diallo poussent sur dix hectares, sur les flancs d’une colline à 120 km d’Abidjan, dans l’Agnéby-Tiassa. Les planteurs de son village sont dans une certaine mesure chanceux car leur regroupement en coopérative et leur proximité du port leur garantit de vendre leurs fèves au prix fixé par l’Etat : 750F le kilo cette année.
Un prix qui ne permet cependant plus aux producteurs de s’en sortir aujourd’hui. « Quand le cacao était à 400 francs le kilo ce village n’avait pas d’école », nous explique Augustin Daouda Diallo. Avec la hausse des prix d’achat aux producteurs, trois classes ont pu être construites. Mais « aujourd’hui, où le cacao s’achète à 750 F, le coût de la vie est élevé »… poursuit-il.
Augustin Daouda Diallo nous détaille ses frais. « Pour mes produits phytos, je suis obligé de payer au moins quinze boîtes, soit 15 fois 8. Je suis obligé d’engraisser mon champ. Je paie 21 000 francs le sac d’engrais. S’il me faut une tonne ou une tonne et demie – trente sacs – vous vous voyez ce que ça fait ? En plus de ça, j’embauche des gens, cinq personnes, pour travailler dans mon champ. Les cinq personnes, si je dois les payer 250 000 par an, je dois les nourrir. Quand tu paies un manœuvre à 250 000 par an tu dois le nourrir 250 000. Avec 500 000 francs, dans tout ce que tu as vendu, tu crois que tu as mis de l’argent dans ta poche ? »
Car une fois les sac, le transport et le reste payé, il ne reste plus grand chose… « C’est 80 % qui s’en vont et 20 % seulement qui restent dans ma poche. Pour 365 jours (de travail), 20 % de mon revenu. C’est quand même misérable ! »
Ainsi, poursuit Augustin Daouda Diallo, « si j’ai eu 3 millions, par exemple, l’année passée, il (reste) 600 000 sur les 3 millions. Je dois payer l’électricité, je dois payer l’eau, je dois me soigner, je dois manger, je dois scolariser mes enfants… Je ne peux pas scolariser mon enfant dans une grande école. Il est obligé de prendre des cours du soir… »
« Les producteurs de cacao sont les plus pauvres de Côte d’Ivoire »
Taxes de sortie, achat des sacs, des engrais, coût du transport, de la main d’œuvre… la liste des charges est longue voilà pourquoi aujourd’hui selon Ahouman Yao, 75 ans dont 60 dans les champs, les jeunes se détournent du cacao et les planteurs l’abandonnent. « Cacao, là, notre temps là quand c’est passé, tout va disparaitre, regrette le vieil homme. Le président Houphouët a dit que le succès de ce pays repose sur l’agriculture. Mais les producteurs de cacao ce sont les plus pauvres de la Côte d’Ivoire. Ils sont oubliés complètement. »
Pour Augustin Daouda Diallo, un prix plancher à 1100 F pourrait changer les choses. « Si c’est dans la durée, si c’est sur un an, deux ans, trois ans, le producteur peut se dire : je vais investir pour que ça m’aide dans mes prochains jours… On veut donner aux planteurs 1 050 francs. C’est beau. Mais on attend pour voir ! ».
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