La situation qui prévaut dans la Langue de Barbarie, à Saint-Louis, remet sur la table la problématique de la gestion de la brèche. La houle notée dernièrement n’est pas un fait isolé. Loin de là, elle n’est que le prolongement ou les conséquences de cette épineuse question de la brèche face à laquelle les différents gouvernements semblent très impuissants.
Sélectionné pour vous :Avancée de la mer à Saint-Louis : Le vieux Abdoulaye Fall a fini par rendre l’âme
Pourtant, cette population de pêcheurs dont les habitations ont toujours paisiblement longé l’océan n’ont commis de péchés que le fait de résider dans des maisons longtemps héritées de leurs aïeux. Avant l’ouverture de la brèche en 2003, la vie était très paisible dans ces quartiers où l’on ne dort plus comme il faut. Les maisons et la mer vivaient dans un bon voisinage, une entente parfaite. Mais lasse d’être agressée par l’homme, la mer a fini par se révolter et prendre d’assaut les habitations. Alors aujourd’hui, la furie de cet océan, naguère doucereux, est devenue monnaie courante depuis cette « profanation de la nature ». C’est le terme utilisé par les professeurs Mary Teuw Niane et Abdou Sène dans une étude intitulée : « Langue de Barbarie : La brèche de l’espérance ? ». Ce qui s’est passé la semaine dernière dans cette partie de la vieille ville rappelle, toutes proportions gardées, le déluge de Noé tant la violence était inouïe. Sauf qu’à Saint-Louis les pêcheurs n’ont vraiment péché pour mériter un tel sort.
Lors de la visite du président Français l’année dernière, il a été annoncé que 40 millions d’euros allaient être injectés à Saint-Louis pour régler définitivement le problème de l’avancée de la mer. Parmi les solutions avancées, il y avait le dragage du fleuve et la construction d’une digue de protection. Mais la réalité est que, même si les travaux pour la construction de ladite digue avaient démarré aussitôt après la visite de Macron, le calvaire reste le même. Si la population de Guet-Ndar semble plus touchée par la dernière houle, c’est que les travaux avaient démarré à partir de « Sal-Sal », la plage sise au quartier de Goxu-Mbaac et n’est toujours pas visible au niveau des deux autres quartiers à savoir Ndar-Toute et Guet-Ndar. S’exprimant sur la question récemment, le maire de la ville Mansour Faye donne rendez-vous aux populations de Guet-Ndar en Mars 2019. Ce qu’il a semblé oublier c’est que d’ici là, la mer continuera son œuvre et donnera peut-être d’autres assauts plus grands.
A la vue des dégâts matériels causés et même en termes de vies humaines (des blessés et un vieux mort), on ne peut que se sentir exaspéré. Parce que d’abord, les appels à l’action contre ce fléau sont devenus un insipide refrain à force d’être chanté à tout bout de champ. Ensuite, parce que les autorités auraient d’autres priorités que d’injecter l’argent nécessaire pour sauver ces vies et préfèrent mettre le curseur sur les infrastructures, rien que les infrastructures.
La brèche de Saint-Louis est une question de vie ou de mort, et il est temps qu’elle soit traitée avec tout le sérieux qu’il faut. Chaque gouvernement a ses priorités certes, mais les urgences doivent primer sur toute autre considération. Prenons les montants faramineux investis sur la construction d’autoroutes, du TER ou encore d’édifices tels le Dakar ARENA par exemple. On n’aurait même pas besoin de la moitié de cet argent pour enfin régler définitivement les difficultés qui étreignent l’activité économique de l’ancienne capitale de l’AOF. Si cet article est à charge contre le gouvernement de Macky Sall (et de ceux qui se sont succédé depuis 2003), c’est que la vie de ces pauvres pêcheurs n’a pas de prix mais a un coût.
Les grands maux nécessitant toujours les grands remèdes, il urge d’ores et déjà de ne point se limiter aux mesures bouche-trous et de matérialiser les solutions proposés par des scientifiques et géographes de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Beaucoup d’études ont été faites dans ce sens et il suffirait d’une volonté sincère de la part des autorités pour que le problème soit résolu de manière définitive. Autrement, comme l’a dit l’ancien maire cheikh Bamba Dieye : c’est par des centaines qu’on devra un jour ramassera les victimes de ces houles successives si rien n’est fait.
Ababacar GAYE