L’Espagne va connaître cette année sa plus grave récession depuis la guerre civile (1936-1939). La situation est délicate notamment au Pays basque où, comme dans de nombreuses régions, le secteur de l’hôtellerie restauration est particulièrement touché. Bars et restaurant sont fermés et la profession est vent debout. Comme chaque vendredi, des manifestations sont prévues ce vendredi 20 novembre dans les grandes villes du pays basque. La mobilisation ne faiblit pas même si le gouvernement a répondu à certaines demandes.
Avec notre envoyée spéciale à Bilbao, Juliette Gheerbrant
Devant le café restaurant Lasa près de la Gran Via une dizaine de personnes se pressent. « C’est une honte. Les bars et la plupart des magasins restent fermés, il n’y a plus d’argent », déplore Kevin Garcia, 22 ans, qui ne trouve aucune logique à cette demi-mesure.
La patronne Susanna n’a pas une minute derrière son comptoir. Mais la vente à emporter, ça ne va pas sauver les affaires : « C’est un peu mou parce que les gens ont peur, et puis c’est un quartier de bureaux. Il y a encore beaucoup de télétravail. »
Pas de télétravail pour Amagoya Aiesta, qui attend son café crème : « Je suis venue prendre un petit café. Je pourrais le prendre au bureau, mais c’est aussi une façon de soutenir les bars. » Pour cette femme de 50 ans, les clients sont un peu responsables de la situation : « On aurait pu mieux respecter les distances en terrasses, davantage porter le masque, bref jouer le jeu parce que les bars, eux, ils ont fait ce qu’il fallait. »
Manifester chaque semaine
C’était l’argument du gouvernement : trop de regroupements, surtout à l’heure de l’apéritif, une pratique sacrée ici. D’ailleurs, la vente d’alcool reste interdite. Et dans le quartier d’Abando le rideau du Morrocotuda, un bar de bières artisanales, reste baissé.
« On pose des affichettes « A Vendre » : c’est une façon de protester, nous explique José Ramon Gonzalez. Le gouvernement vient d’annoncer des aides, mais ça ne nous permettra pas de couvrir nos frais. On proteste pour qu’ils nous donnent de aides dignes de ce nom, pas des miettes ! » José Ramon Gonzalez va donc continuer à manifester, chaque semaine.
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Aides loin du compte
Le gouvernement basque a débloqué une rallonge pour un total de 45 millions d’euros d’aides. Mais c’est loin du compte, selon la Fédération professionnelle. Le bar et le café sont des institutions certes, mais des institutions fragiles: il y a moins de trois employés dans les deux tiers des établissements. Ils vont toucher une nouvelle aide de 3 à 4 000 euros, selon leur taille.
Les cafés ont aussi obtenu le droit de faire de la vente à emporter, sauf pour l’alcool. On voit donc à nouveau des petits groupes de gens dans la rue, leur café à la main, mais l’animation a un peu disparu. C’était l’objectif sanitaire, bien sûr, d’éviter les regroupements.
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Juliette Gheerbrant
Envie d’un retour à la normale
Les restrictions adoptées pour lutter contre la pandémie sont cependant moins sévères qu’au printemps dernier. À Bilbao, l’ambiance est très contrastée. Tous les magasins sont ouverts : pas de débat sur l’indispensable et le superflu. Mais certains ont gardé leur rideau baissé, faute d’activité.
À la sortie de l’école, de nombreux enfants jouent sur les places, mais regroupés par petits groupes de classe, assurent les parents.
Il y a beaucoup moins de monde, de circulation ou de bruit, mais malgré tout, une certaine inquiétude. Les visages sans protection sont rares. Si les gens sortent librement, en revanche, les déplacements d’une commune à l’autre sont interdits.
Les Basques s’adaptent avec l’envie, comme partout, d’un retour à la normale. Mais pour le gouvernement espagnol, la ligne d’horizon n’est pas avant le mois de mai prochain.
rfi