L’Afrique suscite la crainte de la communauté internationale dans sa capacité à faire face à la crise du coronavirus, alors qu’elle fait partie avec l’Océanie des continents les moins touchés par la pandémie.
Pendant que les amoureux célébraient la Saint-Valentin, le nouveau coronavirus choisit le 14 février pour pénétrer sur le continent africain, en passant par l’Egypte. Faisant des ravages en Chine où elle s’est déclarée en novembre, l’épidémie ne tarde pas à se propager vers l’Europe. Et la question restait à savoir pourquoi un continent si fragile que l’Afrique n’était pas encore touchée.
Cette situation fait dire aujourd’hui à certains spécialistes de la géopolitique, comme le Marocain Abdelmoughit Benmassoud Tredano, interrogé par APA, qu’une « nouvelle organisation du monde s’impose » avec en prime le replacement de l’Afrique dans les relations internationales à la fin de la crise sanitaire.
Dans son discours à la nation à la veille de la célébration du 60è anniversaire de l’indépendance du Sénégal, le Président Macky Sall soutient que la pandémie qui secoue le monde démontre à suffisance la « fragilité de tous les pays et leurs vulnérabilités communes ».
« Il est temps de travailler ensemble à l’avènement d’un nouvel ordre mondial qui met l’humain et l’humanité au cœur des relations internationales », souligne le président sénégalais.
A la date du 7 avril, le continent a enregistré 10 252 cas pour 492 décès et près de 989 guérisons, selon les chiffres de l’Union africaine (UA). La région Nord (+4500 cas) du continent reste par contre la partie la plus touchée.
Malgré tout, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a laissé entendre sa crainte de voir « des millions de morts » si la communauté internationale ne fait pas de l’Afrique « une priorité ». Cet alarmisme lui a valu une levée de boucliers étant donné que l’Europe est la zone la plus touchée derrière les Etats-Unis, nouvel épicentre de la pandémie avec plus de 388 000 malades.
Précisant sa pensée, le Portugais souligne que le risque est que « la maladie reviendra du Sud vers le Nord. Alors, c’est dans l’intérêt des pays du Nord de faire cet investissement massif en Afrique ».
Des dirigeants africains comme le Sénégalais Macky Sall ont déjà demandé l’annulation de la dette du continent pour atténuer l’impact du Covid-19. Le plaidoyer du chef d’Etat a été appuyé par les institutions de Breton Wood, « appelant à agir pour alléger le poids de la dette des pays IDA (ou pays les plus pauvres de la planète) ».
Impuissance des puissances
Mais le problème ne semble pas que financier, parce que des pays développés surtout les « puissances européennes » continuent d’afficher leur « impuissance » devant la crise sanitaire. « L’Italie, la France, l’Espagne inquiètes de ne pouvoir disposer d’ici une semaine d’équipements pour protéger le personnel médical ou de médicaments pour soigner les patients, qui l’eût imaginé ? », s’interroge dans une tribune intitulée « COVID-19 et relations internationales : 6 leçons provisoires », le juriste-politologue sénégalais Ndiaga Loum, basé au Canada.
Puis « un pays membre de l’Union Européenne appeler au secours de son corps médical débordé des médecins d’un pays aussi pauvre que le Cuba pour faire face à la pandémie du Coronavirus, il n’y a pas plus grande démonstration de l’impuissance d’une grande puissance au cœur de l’union économique la plus forte, la plus approfondie et peut-être, la plus aboutie à l’échelle mondiale (l’Union Européenne) », a-t-il poursuivi.
Si les moyens de riposte sont jugés faibles en Afrique, les Etats-Unis ont étudié pour leur part leur scénario du pire. Le coronavirus pourrait y faire « entre 100.000 et 200.000 » morts, a avancé dimanche dernier le Dr Anthony Fauci, expert des maladies infectieuses, conseiller du président Donald Trump sur la pandémie, tout en appelant à la prudence sur les projections.
Sur le continent africain en outre, les chefs d’Etat « font preuve d’équilibristes », analyse pour APA le Pr Sahite Gaye, spécialiste sénégalais de la communication de crise. Il ajoute que ces derniers n’ont « pas les moyens économiques et sanitaires pour la riposte (et) ils ne veulent pas que cette crise se transforme en crise sociale avec à la base une psychose », même s’ils savent que « l’heure est grave », pour reprendre le président du Sénégal.
Les restrictions se limitent pour le moment au couvre-feu dans la plupart des pays. Mais des Etats comme l’Afrique du Sud et le Maroc ont décidé de confiner temporairement leurs populations.
Responsabilité et dynamisme
Au Bénin, le Président Patrice Talon a utilisé la « stratégie de la question oratoire appelée aussi hypobole qui consiste à renvoyer aux Béninois l’impossibilité d’un confinement total. C’est aussi une stratégie d’atténuation de sa responsabilité », a souligné Pr Gaye.
Des Africains comme le sociologue Ibrahima Diop continuent de penser que cette pandémie est une « guerre bactériologique », conséquence de la « guerre commerciale » entre les Etats-Unis et la Chine. Mais d’autres comme le journaliste Adama Gaye trouvent que « le moment est propice » pour le continent de prendre enfin son envol : « L’heure l’exige » et le travail incombe aux « élites » africaines.
Un pays comme le Sénégal a dépassé les 200 cas positifs au Covid-19. Cependant son système sanitaire est parvenu à guérir 72 malades. De plus l’Institut Pasteur de Dakar, l’un des puissants laboratoires biomédicaux du continent, travaille sur un vaccin pour venir à bout du coronavirus.
« L’Institut Pasteur de Dakar est le seul producteur de vaccin sur l’Afrique qui est pré-qualifié par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Cela nous met dans une position qui fait qu’aujourd’hui, nous travaillons avec les différentes initiatives pour le vaccin contre le Covid-19 », a fait savoir mardi sur Iradio son administrateur Dr Amadou Alpha Sall.
Auteur : Apanews