Crise de liquidités : la Banque d’Algérie peut-elle (vraiment) sauver les banques ?

Alger à la peine face à la chute du dinar et des liquidités bancaires
Alger à la peine face à la chute du dinar et des liquidités bancaires

Malgré l’allègement de la réglementation, la contraction des liquidités s’aggrave et la monnaie dégringole à son plus bas niveau en quatorze ans.

Covid-19, chute des prix du pétrole, crise économique… Tels sont les principaux ingrédients de la forte baisse du niveau de liquidité bancaire en Algérie. La liquidité globale des banques du pays a ainsi chuté en-dessous de la barre symbolique des 1 000 milliards de dinars (6,9 milliards d’euros) à fin mai 2020. Elle est passée en dix-huit mois de 1 557,6 milliards de dinars à fin 2018, à 1 100,8 milliards de dinars à fin 2019, pour atteindre 916,7 milliards de dinars à fin mai 2020, a dévoilé la Banque d’Algérie le 9 juin.

Banque d’Algérie est dirigée depuis novembre par Aymane Benabderrahmane, haut fonctionnaire peu connu en dehors des milieux spécialisés, ancien sous-directeur à l’inspection des finances dans les années 2000, nommé censeur en mars 2010 à la Banque d’Algérie et promu l’an dernier au poste de gouverneur durant l’intérim à la tête de l’État du sénateur Abdelkader Bensalah.

La contraction observée à la fin de mai (-182 milliards de dinars de liquidités sur cinq mois à peine) est d’autant plus inquiétante qu’elle s’est poursuivie malgré un net assouplissement des règles imposées par la Banque d’Algérie. L’institution avait déjà baissé en mars les taux de réserve obligatoire des banques de 10 % à 8 %, ainsi que son taux directeur à 3,25 %.

Des mesures prises afin de « libérer, pour le système bancaire, des marges supplémentaires de liquidités et mettre ainsi, à la disposition des banques et établissements financiers, des moyens additionnels d’appuis au financement de l’économie nationale à un coût raisonnable », explique la banque centrale. Ces effets, pour l’instant, ne se sont pas encore matérialisés.

Des banques plus fragiles à l’international
« C’est un pis aller puisqu’en rendant plus souple sa réglementation, la banque centrale algérienne ne renforce les banques que sur le marché domestique. À l’international, les banques algériennes deviennent ainsi plus fragiles », décrypte un expert financier interrogé par Jeune Afrique. Qui rappelle qu’en jouant sur les taux directeur et de réserves, la banque centrale abaisse le niveau de sécurité des établissements de crédit du pays. Les banques algériennes, sous perfusion de la banque centrale, deviennent moins solvables par rapport aux autres établissements bancaires qui appliquent la réglementation internationale de Bâle III.

Malgré la baisse constatée en dix-mois, l’Algérie devrait rester pour le moment en haut du tableau en ce qui concerne le ratio actifs liquides/total de l’actif en Afrique du Nord. À la fin 2019, cet indicateur atteignait 17,5 % selon les chiffres du FMI, contre 23 % en 2018. À la même époque, la moyenne nord-africaine était de 13,9 % (6,1 % en Tunisie et 12 % au Maroc).

Mais la dégringolade observée ces derniers mois en Algérie est d’autant plus saisissante que le pays a longtemps souffert, au contraire, d’une surliquidité bancaire avec des ratio supérieurs à 80 % au début de la décennie, avec un pic à 116 % en 2008… Contactée par Jeune Afrique à la suite de son communiqué sur le resserrement des liquidités bancaires, Banque d’Algérie n’a pas répondu à nos sollicitations.

Le dinar au plus bas face à l’euro
Les difficultés de la Banque d’Algérie à contenir la contraction économique engendrée par la crise du Covid-19 et le repli des prix du pétrole se réflètent également dans la dégringolade du dinar algérien. À la mi-juin, ce dernier s’échange autour de 145 unités pour 1 euro, soit une dépréciation de -10 % depuis début février. La monnaie algérienne se trouve désormais à son plus bas niveau face à l’euro depuis au moins mai 2006. Face au billet vert, le dinar s’échange autour de 128 unités contre 1 dollar, soit une baisse de -7 % depuis février et son plus faible cours depuis 2004…

La dégringolade du cours officiel du dinar intervient alors qu’Alger a accéléré, ces derniers mois, les mesures censées résorber le recours au marché noir. Selon le nouveau règlement paru au Journal officiel le 24 mars : « La Banque d’Algérie peut agréer toute institution ou agent de change pour traiter les opérations de change entre monnaie nationale et devises étrangères librement convertibles ». Le texte signé par Aymane Benabderrahmane est supposé ouvrir la voie au déploiement du bureau de change à travers le pays, un vœu pieux répété depuis de nombreuses années. Mais la concrétisation de cette ouverture reste cependant encore incertaine.

LE FINANCEMENT NON CONVENTIONNEL EST UN SOIN PALLIATIF ET NON UNE SOLUTION STRUCTURELLE

jeuneafrique.