A chaque jour, son lot de difficultés relatives à la problématique de l’émigration. Longtemps hostile à tout accès irrégulier à son sol, l’Union européenne (UE) a adopté une batterie de mesures pour apporter une réponse idoine au fléau migratoire. Mais l’échec de ces solutions est cuisant. Aujourd’hui plus qu’hier, l’émigration illégale secoue l’Europe et met à nu son incapacité d’y mettre fin ou même d’y faire face. A cette impuissance, s’ajoute une nouvelle donnée : le manque d’humanisme de certains Etats telle l’Italie face à des migrants en détresse.
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Adapter l’agriculture africaine au changement climatique (Par Laura Tuck et Hafez Ghanem)
Il y a longtemps le Pape François avertissait que la solution à la problématique de l’émigration en masse n’était pas le repli sur soi, la fermeture des frontières. Ce qui se passe aujourd’hui en Méditerranée lui donne raison. Malgré le renforcement de la sécurité au niveau des frontières, l’implication de plus en plus active des garde-côtes et les milliards injectés pour contrôler le trafic maritime à partir des pays de départ et des zones de transit, la situation a sensiblement empiré face à la détermination des migrants qui jouent leur vatout.
Des raisons économiques et sécuritaires à la base de ces aventures
A la recherche d’horizons meilleurs, les migrants font de leurs périples une question de vie ou de mort. Embarqués pour la plupart à partir des pays de l’Afrique de l’Ouest ou du Centre, ils transitent par la Libye devenue entretemps une zone de non-droit. En vérité, du temps de Mohammar Kadhafi, la Libye était érigée en destination pour bon nombre de Noirs africains puisque le pays présentait une situation économique enviable. Mais les soulèvements du printemps arabe, en 2011, alimentés et soutenus par une Europe haineuse envers le guide libyen, ont surtout réussi d’installer le désordre dans ce pays d’Afrique du Nord.
Le départ de Kadhafi marque donc à tout jamais l’ouverture de la boîte de Pandore qui allait libérer les maux auxquels l’Europe est confrontée aujourd’hui notamment en ce qui concerne l’émigration clandestine. La place de choix qu’occupe cette partie du continent dans les périples des migrants est renforcée par l’insécurité grandissante et la guerre en cours entre les hommes du Maréchal Khalifa Haftar et les forces de l’armée nationale libyenne. Les candidats à la migration, qui faisaient objet d’esclavage il y a un an, n’en peuvent plus de vivre dans un no man’s land où le grand banditisme et la guerre dictent leurs lois.
Les choix impertinents de l’Europe
A un fléau structurel, les pays Européens ont toujours voulu répondre par des solutions conjoncturelles. Ne voilà-t-il pas la raison pour laquelle le phénomène perdure et s’empire ? En vérité, l’émigration irrégulière n’a jamais disparu mais, grâce à certaines mesures entreprises, l’UE a pu relativement contrôler le flux noté il y a quelques années. En mettant plus l’accent sur la protection des frontières et le refoulement de migrants considérés comme d’encombrants envahisseurs, les pays Européens ont comme opté de traiter les conséquences du problème au lieu des vraies causes.
En 2018, l’union avait fait face à une crise migratoire sans précédent à tel point que le bateau humanitaire Aquarius avait fini par être immobilisé sur décision de justice. Le tollé provoqué par le sort des migrants, obligés alors de rester en mer pendant des jours en attente d’une autorisation de débarquer, avait même installé un certain malaise au sein de l’UE. En août 2019, la même situation a prévalu avec l’entêtement du ministre de l’intérieur italien Matteo Salvini de ne point accueillir de migrants. Selon lui, « la fermeté est l’unique façon d’éviter à l’Italie de redevenir le camp de réfugiés de l’Europe, comme le démontre encore ces heures-ci le bateau de l’ONG espagnole des faux malades et des faux mineurs ».
Pendant une semaine, depuis le 15 août, le navire « Open Arms » a dû attendre avant de trouver des bras accueillants du côté de l’Italie. Ce navire de l’ONG espagnole Proactiva avait à bord 134 migrants et cherchait en vain un permis d’accoster que lui délivrera la justice italienne un peu tardivement. Ce refus des italiens avait d’abord provoqué des scènes qui font froid dans le dos : des migrants désemparés qui se jettent en mer pour rejoindre l’île de Lampedusa. Ce repli sur soi adopté par l’Italie est symptomatique de l’état d’esprit des Européens qui sont de façon globale très hostiles à l’arrivée des migrants sur leur sol. Pourtant, cette option n’est en rien pertinente face à l’instinct de survie des migrants qui continuent d’emprunter des bateaux de fortune parfois au prix de leurs vies.
Fixer les migrants chez eux en appuyant leurs pays d’origine
La vraie solution serait de fixer ces jeunes africains chez eux avec des projets à même de les sortir de la pauvreté qu’ils tentent de fuir. S’ils sont vraiment désireux de résoudre le problème pour toujours, les pays européens ne peuvent trouver meilleure solution que la création d’emplois dans les pays d’origine de ces migrants au lieu de continuer d’installer leurs multinationales pour leur unique profit.
Il ne s’agit nullement ici de demander à l’Europe de venir développer l’Afrique mais plutôt de l’inviter à endosser la responsabilité de tout le bazar qu’elle a créée. Si la Libye est devenue cette zone de non-droit, c’est en partie à cause de ces pays d’Europe qui ont voulu jouer le gendarme face à un guide libyen intransigeant. Si les Africains choisissent de migrer vers l’Europe pour trouver du travail et de la richesse, ce dont l’Europe ne dispose plus en réalité, c’est parce qu’aux yeux de la plupart d’entre eux, cette Europe-là est responsable des malheurs du continent surtout avec la colonisation politique qui s’est mue en une néo-colonisation économique et monétaire.
Aussi bien pour les pays de départ, les zones de transit, que les pays d’arrivée, la solution à la crise migratoire ne saurait rester circonstancielle avec des opérations de sauvetage ici, des mesures de protection là. Les motivations de ces candidats à l’émigration ne sont pas inconnues. Et pour une gestion pérenne de la problématique, on ne saurait compter que sur la création d’emplois dans les pays de départ. En vérité, le problème sera réglé quand on aura réalisé la prouesse de faire de leur « ici » l « ’ailleurs » que ces migrants cherchent sans répit.
Par Ababacar Gaye
kagaye@senenews.com