Le cumul de mandats est devenu la marque de fabrique de nos hommes politiques. Sous le magistère du président Léopold Sédar Senghor, il était même courant de voir un ministre revêtu du manteau de député et de maire. Soit trois fonctions exercées cumulativement. Mais cela pouvait se comprendre dans un contexte post-indépendance où l’élite politique n’était pas aussi étoffée qu’aujourd’hui.
C’est plus tard sous l’ère Diouf qu’on a assisté à la fin du cumul ministre –député. En revanche, il y a eu en même temps une floraison de ministres –maires et députés-maires. Sous le règne de Wade, ce type de cumul sus-évoqué a atteint son point d’orgue avec des Premiers ministres-maires, des présidents de l’Assemblée-maires et même un président du Sénat-maire de Dakar.
Avec le président Macky Sall, c’est toujours le statu quo pour ne pas parler de recul puisque contrairement aux engagements du « Yoonu Yokkuté », le code des collectivités locales voté et promulgué donne un blanc-seing à tout politicien qui voudrait cumuler des mandats électifs et/ou fonctions nominatives. Et si la pratique est à dénoncer, c’est parce que parallèlement au cumul des mandats, il y a un des salaires, des indemnités et des avantages.
On s’en souvient, une des réformes majeures préconisées par les Assises nationales en 2008 avait trait à la suppression du cumul de mandats et de fonctions. « Le cumul de mandats et le nombre de mandats successifs sont strictement limités pour toutes les fonctions électives » lit-on dans la Charte de gouvernance démocratique des Assises nationales. Dans le même sillage, la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) préconise « qu’il n’est pas souhaitable d’être à la fois de l’exécutif et de diriger une collectivité locale, si on veut bien exercer pleinement ses activités gouvernementales ou locales ».
Dans le programme de « Yoonu Yokkute » de Macky Sall, il était également question de mettre fin à ce privilège de cumul dont bénéficie une oligarchie de politiciens. Mais apparemment, la réalité du pouvoir a fait reculer le Président Macky Sall sur son engagement. Manifestement il a préféré renvoyer aux calendes grecques ce projet réformiste qui devait pourtant impulser une véritable gouvernance efficiente et participative.
Aujourd’hui le Sénégal étouffe pourtant entre l’Etat encore centralisateur-nonobstant les réformes de l’Acte 3 qui accorde plus de pouvoirs théoriquement aux collectivités locales – et la boulimie des politiciens cumulards. Nos politiques devraient pourtant adopter le non cumul des mandats pour donner du souffle à notre démocratie en instaurant les conditions d’un véritable renouvellement politique afin que de nouveaux espoirs , de nouvelles énergies prennent pleinement et dûment leur place sur l’échiquier politique . La réduction du cumul des mandats, observable dans la plupart des démocraties modernes, permettra non seulement d’atténuer les tentations mais aussi libérer du temps pour un exercice efficace du mandat pour lequel tel homme ou telle femme politique a été élu.
Malheureusement Macky Sall n’a pas ce courage politique.