exceptions de nullité soulevées par les avocats n’ont pas empêché le procès de l’Imam Ndao et de ses co-accusés pour terrorisme supposé de se poursuivre ce mardi 10 avril. Le président de la chambre criminelle a joint certaines exceptions au fond mais a quand même renvoyé un des accusés, Mouhamed Seck devant le tribunal des mineurs avant d’appeler à la barre Mouhamed Ndiaye alias Abou Youssouf et Ibrahima Diallo alias Abou Moussa.
Premier à passer devant le juge, Mouhamed Ndiaye a nié les faits à lui reprochés, à savoir actes terroristes par association de malfaiteurs, actes de terrorisme par menaces, financement du terrorisme, blanchiment de capitaux, apologie du terrorisme. Invité à faire un mini portrait de lui, Mouhamed Ndiaye s’est décrit comme un analphabète pêcheur de profession. Métier qu’il dit avoir embrassé en Mauritanie. Pays où il a fait la connaissance de Lamine Coulibaly. D’ailleurs, c’est en voulant offrir un téléphone portable à ce dernier qui n’en disposait pas qu’il a été arrêté par les forces de police mauritaniennes avant d’être remis à la police sénégalaise. C’est le même jour que Mor Mbaye Dème, l’un de ses co-accusé a été cueilli, car, selon lui, ce dernier voulait juste s’enquérir de la situation. “Mais il n’a rien à voir dans cette affaire”, a-t-il cherché à disculper son camarade d’infortune. Interpellé sur la rencontre de Lac Rose à laquelle il aurait participé, Mouhamed Ndiaye a nié avoir pris part à cette réunion.
En revanche, il a admis avoir assisté à la réunion de Rosso, dans le nord du Sénégal. Un rencontre dont le but était de voir dans quelles conditions lui et ses coreligionnaires pouvaient aller en Syrie, suite à une proposition de Moustapha Diop alias Abu Hatem. Mais avant cette rencontre, Mouhamed Ndiaye a révélé avoir acheté un terrain à Richard Toll et qu’il a été dissuadé par Aboubacry Guèye dit Abou Hamza de rester dans un pays où la charia n’est pas appliquée. Ce dernier lui suggéra de faire sa migration vers une terre d’Islam. La réunion s’est finalement tenue mais rien de concret n’est sorti des débats, selon Mouhamed Ndiaye qui ajoute qu’une deuxième rencontre a été organisée à Richard Toll pour aplanir les positions. A ce propos, il révèlera que Moustapha Diop alias Abou Hatem a été de ce conclave qui a été pire que le premier puisque s’étant terminé en queue de poisson. Mais ça, Mouhamed Ndiaye alias Abou Youssouf ne s’en souvient pas. Ensuite, l’accusé concède s’être rendu en Mauritanie pour reprendre sa vie en main, mais c’etait sans compter sur la détermination de ses amis d’aller au Niger. “Quand j’ai entendu que mes amis s’apprêtaient à rallier le Nigeria, je n’ai pas voulu être en reste. Je suis allé en Mauritanie, j’ai récupéré ma famille pour la réinstaller au Sénégal avant de partir”, a déclaré l’accusé qui n’a pas manqué de nier que Matar Diokhané n’était au courant de leur projet de voyage.
“J’ai été témoin de combats, mais je n’ai pas pris les armes”
Au Nigeria, Mouhamed Ndiaye dit Abou Youssouf et ses compatriotes ont été récupérés selon ses dires par des hommes venus à bord de deux motos. Des hommes dont il ne peut dire qu’il s’agissait de combattants de Boko Haram. Cependant, l’homme a reconnu qu’ils ont été d’abord à Abadam, à Doza ou Fathul Mubin puis à Sambissa. Des zones connues pour avoir été sous le controle du groupe jihadiste nigérian. À la question du juge de savoir s’il y était pour se battre aux cotés de Boko Haram, Mouhamed Ndiaye a opté pour des dénégations systématiques. Il a argué avoir fait le déplacement pour apprendre le coran même s’il ne se rappelle pas une seule fois s’être adonné à cet apprentissage. Pour se tirer d’affaires, l’accusé a tenté de faire croire au juge qu’il a cherché à se retirer des zones contrôlées par Boko Haram. Une entreprise loin d’être une promenade de santé, a t il ajouté, car pour lui, “on risque d’être arrêté si on quitte une zone occupée par Boko Haram pour aller vers une autre”. Des arguments qui n’ont pas convaincu le juge qui a rappelé à l’accusé qu’il avait le droit de mentir, mais qu’il sache que ces mensonges peuvent lui porter préjudice. Un rappel qui n’a pas eu d’effet sur l’accusé puisqu’interpellé sur sa maîtrise des armes et sa participation à des combats au Nigeria, il a renié tout ce qu’il aurait dit devant les enquêteurs. Tout au plus, Mouhamed Ndiaye aura concédé “ je n’ai pas suivi de formation militaire. On nous a juste montré comment on manie une arme”. Dans la même optique, il révèle que c’est un Sénégalais du nom de Moustapha Diallo, alias Abou Dardar qui était leur “formateur”.
Mouhamed Ndiaye a aussi nié avoir pris part aux combats même s’il reconnait être témoin de bombardements de l’armée nigériane. Pourtant devant les enquêteurs, l’ancien pêcheur a déclaré avoir appris le maniement des armes de type Kalachnikov et d’avoir aussi participé aux combats. Il aurait ajouté que c’est lui même qui aurait ramassé les corps de ses compatriotes Cheikh Ibrahima Dieng et Moussa Mbaye tués au front. Quand l’heure du retour au pays a sonné, Mouhamed Ndiaye avoue l’avoir fait avec Matar Diokhané et Ibrahima Diallo alias Abou Moussa. A la fin de son interrogatoire, Mouhamed Ndiaye alias Abou Youssouf a regretté d’avoir mis les pieds au Nigeria et d’avoir fréquenté un groupe jihadiste.
Poursuivi pour les memes chefs d’accusation que son compatriote Abou Youssouf, Ibrahima Diallo a refuté les faits. Contrairement à son “ami” qui a avoué avoir participé à au moins deux rencontres, Abou Moussa dit n’avoir assisté qu’à une seule, notamment celle du Lac Rose. Pour les motifs, il a laissé entendre que c’était pour établir un “Daara” et non pour mettre sur pied une cellule pour prendre la défense de l’Imam Abdou Karim Ndour, alors en maille à partir avec la communauté mouride à Diourbel.
Au sujet de son voyage au Nigeria, Ibrahima Diallo a affirmé que c’est Zaid Bâ qui lui a conseillé de le faire au prétexte qu’il pouvait vivre sa religion comme il l’entend. “J’ai décidé d’y aller pour voir si tel était le cas”, a renchéri l’accusé devant la barre. Aussi a-t-il confié que ses compagnons de route étaient Abdoul Aziz Dia, Mouhamed Lamine Mballo et Ibrahima Bâ, tous écroués, à l’exception du dernier cité. Ibrahima Diallo a indiqué qu’ils ont été accueillis par un homme répondant au nom de Abou Hamid qui les a conduits dans une concession à Abadam. “Nous y apprenions le coran et avions le droit de sortir pour aller à la mosquée. Mais quelques temps après, nous avons été déplacés vers Fathul Mubin d’où nous avons été acheminés à Sambissa”, consent à dire l’accusé. À l’image de Mouhamed Ndiaye, il a réfuté avoir été inité au maniement des armes.
L’Imam Ndao et l’argent d’Ibrahima Diallo
Sur les raisons de leur retour au Sénégal, l’accusé affirme que tout est venu d’une rencontre que les Sénégalais de Boko Haram ont eu avec le chef dudit groupe jihadiste. “Nous avons tenu une rencontre entre sénégalais et il y a eu une dispute entre Moussa Mbaye (tué au Nigeria) et Aboubacar Guèye. L’altercation a été rapportée à Shekau par Malam Omar. Nous avons été convoqués par Shekau pour être sermonnés sur l’endurance dont tout musulman devrait s’armer”, s’est épanché Ibrahima Diallo qui ajoute qu’ils n’ont pu quitter Boko Haram qu’après l’intervention de Matar Diokhané qui a eu un entretien avec Abubakar Shekau. Au passage, l’accusé a révélé qu’ils ont du faire des concessions, à savoir déchirer leurs cartes d’identité ou encore se passer de leurs passeports. A leur retour, Ibrahima Diallo a avoué s’être rendu chez Matar Diokhané pour lui réclamer une somme d’argent que ce dernier lui avait promise. Mais Diokhané lui a rétorqué qu’il devait secourir des Sénégalais en provenance du Nigeria, pris au Niger alors qu’ils étaient en partance pour leur pays d’origine. Ce qui n’empêchera pas Ibrahima Diallo d’empocher la bagatelle de 22000 euros en coupures de 500 qui lui ont été remis par l’une des épouses de Diokhané. Mais lorsque Coumba Niang lui a demandé de porter secours à son mari Matar Diokhané cueilli alors qu’il était à la rescousse de ses compatriotes au Niger, Ibrahima Diallo a déclaré avoir rejeté la requête.
Ses relations avec l’Imam Ndao ont intéressé le juge. A ce propos, l’accusé a balayé du revers de la main la thèse qui le présente comme un ancien élève de l’Imam Alioune Ndao. Cependant, il reconnait avoir remis au représentant de la Ligue des Imams et oulémas du Sénégal à Kaolack la somme de 7 millions FCFA. “Pour qu’il me les garde”, a-t-il dit. “Mais il ne connaissait pas la provenance de cet argent et n’était pas informé de ce que je revenais du Nigeria”, a-t-il ajouté. Il a aussi soutenu avoir prêté de l’argent au religieux qui reviendra sans doute sur ses déclarations qui le compromettent d’autant qu’il a toujours réfuté avoir pris part à un quelconque projet d’établissement de califat islamique entre le Sénégal, la Guinée Bissau et la Gambie.
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