Egypte : cafouillage autour de la polygamie à al-Azhar

Fausse interprétation ou “manque de compréhension de l’islam”, comme il le dit lui-même, le Grand imam de l’Université d’al-Azhar du Caire a créé la polémique en déclarant que la polygamie était “une injustice” faite aux femmes.
Dans un commentaire lors d’une émission de télévision hebdomadaire, le 2 mars 2019, cheikh Ahmed al-Tayeb a affirmé qu’en islam, c’est la monogamie qui est la règle et la polygamie l’exception. “Ceux qui disent que le mariage doit être polygame ont tous tort”, a-t-il dit, recommandant pour bien comprendre la question “une lecture complète du verset évoquant la multiplicité des épouses”.
La polygamie conditionnée par l’équité
Cheikh Tayeb a ensuite rappelé la totalité du verset qui dit : “Si vous craignez de n’être pas justes avec celles-ci, alors n’en épousez qu’une seule.” Selon le Coran, “la multiplicité doit obéir à des conditions d’équité, et que s’il n’y a pas équité il est interdit d’avoir de multiples épouses”, a-t-il expliqué.
Ce n’est pas la première fois que le Grand imam d’al-Azhar s’exprime sur la polygamie depuis qu’il a pris son poste en 2010. Il avait notamment évoqué le sujet en 2016 après un appel du président Abdel Fattah al-Sissi à renouveler le discours religieux.
Mais c’est la première fois que cheikh Ahmed al-Tayeb, de retour d’Abu Dhabi où il a rencontré le pape François début février, qualifie la polygamie d'”injuste pour les femmes et les enfants”. La veille, al-Azhar avait publié sur Twitter des déclarations du haut dignitaire religieux soulignant “la nécessité d’un renouvellement en ce qui concerne les questions relatives à la femme”.
« Les femmes représentent la moitié de la société. Si nous ne soucions pas d’elles, c’est comme si nous marchions sur un pied » Ahmed al-Tayeb.
Si ses propos ont aussitôt été salués par le Conseil national de la femme, ils ont provoqué un tollé sur les réseaux sociaux, poussant l’institution d’al-Azhar à faire le soir même une mise au point sur son site internet.
Traduction : “Le grand Imam n’a absolument pas parlé de mise en garde ou d’interdit contre la polygamie”, a rectifié le centre de presse d’une des plus hautes autorités morales de l’islam sunnite dans un communiqué publié sur internet.
Une nette augmentation de la polygamie ces 20 dernières années
En Egypte, la législation permet à un homme d’épouser jusqu’à quatre femmes simultanément, rappelle RFI, et la remise en question de la polygamie est régulièrement soulevée par des élues et tout aussi régulièrement bloquée par al-Azhar.
Une polygamie estimée aujourd’hui à 4%, et qui a nettement augmenté ces vingt dernières années, à cause notamment de la reconnaissance du mariage coutumier par al-Azhar. Ces mariages non officialisés permettent de contourner la loi obligeant l’homme à prévenir sa première ou ses premières épouses de son nouveau mariage.