Faute de réelle opposition, la participation était le seul enjeu du scrutin présidentiel en Egypte. Dans les médias, dans l’espace public et de la part des officiels, les Egyptiens ont été appelés à se rendre aux urnes. Certains y ont même été fortement incités. Rencontre avec un électeur qui raconte les pressions exercées au sein de son administration. Reportage.
Avec notre envoyé spécial au Caire, Nicolas Falez
Il sort de ce bureau de vote avec de l’encre violette sur un doigt, une marque obligatoire qui doit empêcher la fraude. L’air dépité, ce fonctionnaire égyptien vient à notre rencontre et nous raconte pourquoi il a voté alors qu’il n’en avait pas l’intention.
« Ils m’ont appelé ce matin de l’école, ils m’ont dit qu’il y avait une liste de personnels du ministère de l’Education au bureau de vote. Ils m’ont dit que je devais aller la signer et que la liste remonterait dans la hiérarchie et que ceux qui ne la signent pas auraient des ennuis, comme des promotions bloquées, et qu’ils seraient dans le collimateur. Pour les personnes qui y vont il n’y a pas de problème donc je devais y aller .»
Le fonctionnaire ajoute qu’il a coché les noms des deux candidats sur son bulletin, pour que son vote soit considéré comme nul.
«Un fort recul de la démocratie en Egypte»
Des opposants, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes déplorent le soutien que la communauté internationale apporte à Abdel Fattah al-Sissi malgré la situation des droits humains dans le pays. C’est le cas de Khaled Dawoud, qui dirige le parti Al Doustour qui appelait au boycott de la présidentielle.
« Les priorités des Européens, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, ce sont bien sûr la lutte contre le terrorisme et l’immigration. Alors, monsieur Sissi va voir madame Merkel et monsieur Macron et il leur dit « je suis celui qui maintient l’Egypte unie, je combats le terrorisme et j’empêche les migrants d’atteindre vos côtes, donc vous devez me soutenir ». A cela s’ajoutent les ventes d’armes, nous allons voir la France et nous apportons je ne sais combien de milliards de dollars à votre économie en achetant des Rafale et des Mistral. Nous allons voir les Allemands et nous achetons des sous-marins, nous allons voir les Russes pour acheter des avions et signer un contrat pour un réacteur nucléaire… Je crois que c’est l’une des raisons pour lesquelles il y a un fort recul de la démocratie et des mouvements démocratiques en Egypte et dans toute la région. Si l’on considère qu’aujourd’hui l’Europe et l’Amérique sont trop occupées avec leurs propres problèmes, je ne pense pas que les Egyptiens qui se battent pour la démocratie doivent attendre beaucoup des Américains et des Européens .»
– Propos recueillis par Nicolas Falez
RFI