Elections européennes: les «gilets jaunes» à l’assaut des urnes

En France, après trois mois de contestation, le mouvement des « gilets jaunes » s’essouffle. Ils sont de moins en moins nombreux à manifester chaque week-end. Alors pour donner un prolongement à leur mobilisation, certains d’entre eux ont décidé de se lancer en politique. L’aventure est compliquée.

Les initiatives politiques se multiplient au sein des « gilets jaunes ». A l’heure actuelle, il y a quatre, voire cinq listes en cours de constitution pour les élections européennes du 26 mai. La très médiatique Ingrid Levavasseur en avait lancé une qu’elle a finalement abandonnée sans pour autant renoncer à se présenter.

Le chanteur Francis Lalanne et les « gilets jaunes » Thierry Paul Valette et Patrick Cribouw tentent aussi de rassembler les 79 noms nécessaires pour participer au scrutin européen. Pour l’instant, le compte n’est bon pour personne.

D’autres créent des partis. Avec sa formation Les Emergents, Jacline Mouraud espère concourir aux municipales. Le Mouvement Alternatif Citoyen (MAC), fondé par un ancien membre de la liste d’Ingrid Levavasseur, ne sait pas encore à quelle élection il participera.

Des débuts en politique difficiles

Tous ces projets en sont, pour l’instant, au stade embryonnaire et ont du mal à se concrétiser. Les « gilets jaunes » sont en train de découvrir que la politique est un métier et un sport de combat. Querelles internes, batailles d’ego, difficultés à trouver de l’argent… la tâche est ardue. Frédéric Mestdjian, numéro 4 sur l’ancienne liste d’Ingrid Levavasseur, n’est pas surpris : « On savait que cela allait être le chaos, que cela allait être atroce (…) parce qu’on pénètre un milieu dont on ne sait rien. On tombe dans tous les pièges qu’on nous tend. Nous ne sommes pas des professionnels de la communication, donc nous faisons énormément d’erreurs. Nous ne sommes pas [non plus] des professionnels de la politique. Nous avons finalement assez peu de culture politique. » Pas question pour autant de laisser tomber. « Nous nous professionnalisons chaque jour un peu plus. Plus on nous met des bâtons dans les roues, plus on se renforce », assure le chef d’entreprise âgé de 40 ans.

Les coups viennent surtout de l’intérieur. Ces apprentis politiciens sont en effet très critiqués au sein même du mouvement lors des manifestations, à l’image d’Ingrid Levavasseur prise à partie samedi et sur les réseaux sociaux. Ils sont accusés de céder aux sirènes de la médiatisation et de trahir l’esprit du mouvement qui se veut apartisan et apolitique, par ambition personnelle. Certains mécontents expliquent qu’avec leurs listes, ces « gilets jaunes » prendront des électeurs au Rassemblement national (RN) et à La France Insoumise (LFI), et favoriseront donc Emmanuel Macron. D’autres refusent le principe même d’une structuration politique.

Des programmes flous

Réponse de ceux qui ont choisi la voie des élections : pour changer le système, il faut en faire partie. Mais sur la méthode et le programme, hormis quelques grands principes généraux, cela reste flou. « On y travaille… Il faut qu’on consulte les autres… Un peu de patience », se justifient ces nouveaux venus en politique.

Reste que l’avantage d’avoir un programme imprécis, c’est que cela permet de ratisser large. Une liste « gilets jaunes » ferait d’ailleurs un bon score aux élections européennes. Elle recueillerait 13% des voix, selon un sondage de l’Institut Elabe pour BFMTV, publié le 23 janvier. Un chiffre à prendre avec des pincettes, toutefois, car depuis cette enquête, les listes se sont multipliées. D’ici le scrutin, tout peut encore changer.

Quoi qu’il arrive, les « gilets jaunes » ont déjà remporté une belle bataille en installant leurs thèmes sur la scène politique, explique Daniel Mouchard, professeur de sciences politiques à l’Université Sorbonne Nouvelle : « Tous les leaders politiques sont interviewés là-dessus. Ils doivent donner leur position vis-à-vis des  » gilets jaunes  » qui sont devenus un phénomène politique organisateur. » Autre succès pour le mouvement, selon le politologue : avoir fait reculer le gouvernement en instaurant « un rapport de force extrêmement rapidement ». Pour trouver « des mobilisations qui arrivent comme cela (…) à obtenir des modifications de politiques publiques très significatives et à déplacer l’agenda, il faut remonter (…) au grand mouvement de 1995 », analyse Daniel Mouchard. Ces victoires ne sont toutefois pas suffisantes pour certains « gilets jaunes » qui vont maintenir la pression sur le gouvernement en manifestant à nouveau le week-end prochain.

 

Rfi