Émergence dites-vous ? Quid de ces femmes et enfants dont le destin se brise sous les violences ?
Depuis 1999, par sa résolution 54/134, l’Assemblée générale des Nations Unies a décidé de proclamer le 25 novembre « Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes », engageant ainsi chaque gouvernement à marquer ce jour symboliquement.
Symboliquement, puisqu’il va de soi qu’au-delà des manifestations entourant cette journée, il revient à chaque État de faire appliquer en son sein au minimum les 6 articles de la « Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes » de février 1994.
Pendant ce temps, au Sénégal, livrées à elles-mêmes, les populations les plus vulnérables (femmes et enfants) tentent de survivre en prenant en charge plusieurs problématiques sociales. Et c’est sans surprise qu’elles n’y arrivent jamais.
En effet, même si l’État providence est une utopie au Sénégal, tout État est tenu de faire entièrement face à ses responsabilités en matière de gestion des risques directement liés à la vie en société et particulièrement vis-à-vis du socle de la famille, la femme et de l’avenir de la société l’enfant. Il est des secteurs clefs pour lesquels seul l’État doit et a le pouvoir et l’obligation d’agir.
Dans ce sens, la responsabilité de la protection de ces couches dites vulnérables incombe entièrement et totalement à l’État, que ce dernier l’assume entièrement ou pas, qu’il se contente de la théoriser dans des décrets d’attribution de Ministères ou plans d’action aux noms pompeux, ou encore qu’il se limite à la crier à tue-tête à travers des manifestations ou cérémonies de distribution de tissus et autres pacotilles. En tout état de cause, lutter contre les violences faites aux femmes et aux enfants est un chantier qui ne doit pas être laissé au domaine du folklore politico-populaire et être ainsi instrumentalisé à des fins partisanes comme c’est le cas au Sénégal. Ce chantier nécessite une politique préventive, curative et répressive efficace, d’où l’urgence de tenir des assises.
L’Etat ne réagit que lorsqu’il y a un cas de décès
On ne compte plus le nombre de femmes tombées sous le coup d’agresseurs masculins ces dernières années, de sorte que l’émoi suscité le plus souvent par des organisations non publiques ou des personnes indépendantes, retombe rapidement… Tout comme le déchirement suscité par la vue d’un garçonnet ou d’une fillette errant à des heures indues, soit pour le compte d’un bourreau ou pour fuir ce dernier, et se mettant ainsi à la merci du premier prédateur venu.
Ces deux groupes vulnérables subissent la plupart du temps les mêmes formes de violences, même si les manifestations sont différentes.
Quelles que soient les études menées ou les résolutions prises, la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants demeurera un nœud gordien tant qu’elle se limitera aux formes physiques de leurs manifestions. En effet, les associations et les structures étatiques ne réagissent que lorsqu’il y a un cas de décès, et dans une moindre mesure d’agression sexuelle. Et pourtant les autres formes de violence dont l’État est souvent acteur et/ou spectateur en constituent le ciment cynique.
La nature des femmes, un handicap à leur évolution professionnelle ?
Sur le plan judiciaire, les sanctions infligées aux auteurs de violence physique et sexuelle envers les femmes et enfants ne sont nullement suffisamment dissuasives ; tandis que les coupables de négligence/isolement envers les femmes et les enfants ne sont que rarement sanctionnés. Pire, la société sénégalaise, avec la bénédiction de ses gouvernants, a réussi la prouesse de convaincre les femmes que leur nature constitue un handicap à leur évolution professionnelle. Tant de filles ont vu de belles perspectives académiques ou professionnelles s’assombrir faute d’accommodements. Pour exemple, lorsque la proposition d’une extension du congé de maternité de quatre mois supplémentaires a été émise durant la campagne électorale 2019, les femmes ont été les premières à être effarouchées par cette proposition. Non pas parce qu’elles ne souhaitent pas se consacrer exclusivement à leur bébé pendant ses 6 premiers mois de vie, mais par crainte de subir une énième discrimination à l’embauche et à l’emploi, qui ne trouvera que miraculeusement gain de cause devant les tribunaux.
Il est en outre décevant et révélateur de voir qu’aucun plan d’action gouvernemental de lutte contre les violences à l’encontre des femmes et des enfants n’analyse les violences administratives qui représentent l’une des plus grandes formes d’injustice orchestrée contre ces personnes vulnérables au Sénégal.
Cette forme de violence s’observe souvent en cas de séparation. Le Sénégal étant un pays reconnaissant la polygamie, un époux indélicat pourra retarder à souhait et en toute légalité la délivrance du certificat de divorce à son ex- femme tandis que lui-même pourra ou aura déjà convolé en secondes noces.
L’autorité parentale, une autre source d’injustice
Le régime d’autorité parentale au Sénégal est une autre source d’injustice notoire. En effet, aucun enfant ne peut se faire délivrer un passeport sans l’autorisation de son père, alors que celle de la mère n’est nullement requise. L’enfant peut également sortir du territoire sénégalais aux bras de son père, sans l’autorisation de sa mère, mais le contraire est impossible. À aucun moment il n’est venu à l’esprit du législateur de demander l’autorisation aux deux parents ! Quelle est la logique misogyne qui veut qu’au sortir du ventre de sa mère l’enfant soit désormais plus en sécurité seul avec son père que seul avec sa mère ?
La vérité est qu’il n’y aura pas une émergence sans une justice sociale forte.
Cette lutte contre toutes les formes de violences envers les femmes ne saurait prospérer sans une refonte de toutes les dispositions légales et réglementaires accordant aux hommes des prérogatives supérieures aux femmes ou privant ces dernières d’opportunités du fait de leur nature intrinsèque.
Cette lutte contre les violences exercées contre les enfants est hypocrite tant que chacun de nous dépasse quotidiennement des enfants non déclarés à l’état civil, non scolarisés, non vaccinés et exploités économiquement.
Le mal est profond, le chemin ô combien long, tant la société sénégalaise est foncièrement misogyne et hypocrite !
Il est grand temps de lever la tête et d’agir !
*Nafissa Drame DIA
Membre du Secrétariat National