Emmanuel Macron giflé dans la Drôme: «Les relations dans notre société se tendent»

Emmanuel Macron giflé dans la Drôme: «Les relations dans notre société se tendent»

L’incident de la gifle reçue par le président Emmanuel Macron, survenu dans la Drôme le 8 juin, n’a laissé personne indifférent en France. L’Élysée assure qu’il s’agit d’un acte isolé. Doit-on, au contraire, le comprendre comme l’illustration d’une montée de la violence contre les élus ? Olivier Rouquan, politologue, chercheur associé au Centre d’études et de recherches de sciences administratives et politiques (Cersa), répond aux questions de Grégory Lesca.

RFI: Comment interpréter cette gifle au président de la République ? S’agit-il d’un geste isolé, comme le répète la présidence, ou est-ce que cela cache une colère populaire plus vaste ?

Olivier Rouquan : On ne peut pas trancher. Mais ce que l’on sait, c’est qu’il y a, en effet, depuis une vingtaine d’années, une colère et une méfiance préalablement vis-à-vis du personnel politique, une sorte de divorce qui s’est installée. Par ailleurs, nous savons bien, et cela s’est vu tout au long de ces dernières années, qu’une partie de la population rejette la classe politique. Alors, il y a eu également, par le passé, plusieurs actes qui montrent qu’il y a l’expression ici et là de violences. Et on peut dire que les relations dans notre société se tendent et qu’il y a des actes d’incivilité de plus en plus fréquents. Moi, ce que j’ai envie de noter en tant qu’hypothèse, c’est que dans la mesure où les politiques utilisent de plus en plus un registre de communication basé sur les idées qu’ils sont comme « les gens », qu’ils leur ressemblent, à partir du moment où ils sont au milieu de la foule, dans ce contexte, le public les traite un peu comme il traite familièrement leurs voisins. Le risque est là. Pour le reste, ça peut être un acte isolé pour hier, mais quand on fait un comparatif dans le temps, on voit bien quand même qu’il y a de plus en plus d’actes, d’incidents de ce type.

Cette agression a rapidement été condamnée par toute la classe politique. Est-ce que les responsables redoutent d’autres actes de violence ? On a vu, par exemple, les menaces des youtubeurs d’extrême droite contre la France insoumise.

Mais nous voyons bien, au-delà des têtes d’affiche que vous évoquez, que le nombre d’actes délictueux vis-à-vis des élus locaux, qui sont pourtant des élus de proximité au contact de la population, augmente. Il a même fallu durcir la législation pour essayer de sanctionner ces actes. Donc, ce climat un peu délétère, il est là, il existe, il ne faut pas le nier quand même.

Est-ce que la gifle peut avoir des conséquences sur la campagne électorale, sur l’opinion ou sur la manière de faire campagne ?

Le chef de l’État a fait un rappel à l’ordre finalement, et je pense que les leaders ont intérêt à rappeler que la démocratie est d’abord fondée sur l’argumentation, sur la délibération raisonnée et ils ont, entre eux, intérêt à faire preuve de beaucoup de respect les uns vis-à-vis des autres ; ainsi ils l’obtiendront de la part des citoyens. Deuxièmement, un représentant doit être respecté et il y a aussi à rappeler quand même ce qu’est une institution. Elle est au-dessus de la société civile. Il faut donc refaire de la pédagogie et, en même temps, faire preuve d’une certaine autorité pour être respecté. Et ça, ça appelle à changer un peu le registre de communication, parfois.

rfi