Le président français Emmanuel Macron a appelé lundi 9 mai à Strasbourg à la création d’une « communauté politique européenne » pour accueillir notamment l’Ukraine, pendant la procédure d’adhésion à l’UE qui prendra des années, voire « des décennies ».
Dans son intervention à l’occasion du jour de l’Europe, Emmanuel Macron a souligné que l’Ukraine, envahie par la Russie, était déjà « membre de cœur de notre union » alors que Moscou a organisé une commémoration militaire en grande pompe de la victoire de 1945 sur l’Allemagne nazie.
Mais le processus d’adhésion à l’UE, à laquelle aspire Kiev, « prendrait plusieurs années, en vérité plusieurs décennies », a souligné le président français, qui a proposé, en parallèle, la création d’une « organisation européenne nouvelle ».
« Cette organisation européenne nouvelle permettrait aux nations européennes démocratiques adhérant à notre socle de valeurs, de trouver un nouvel espace de coopération politique, de sécurité, de coopération », a expliqué Emmanuel Macron à l’occasion de la clôture de la Conférence sur l’avenir de l’Europe.
Macron invite le Royaume-Uni avec le soutien de Scholz
Le président français a en outre estimé que le Royaume-Uni pourrait avoir « toute sa place » dans cette nouvelle « communauté politique » européenne, qu’il appelle de ses vœux pour accueillir des pays proches mais non membres de l’UE.
Cette nouvelle entité « est aussi peut-être un moyen de retrouver une stabilité et une autre forme de coopération avec des pays comme le Royaume-Uni, qui a décidé de quitter notre Union européenne mais qui peut avoir toute sa place dans cette communauté politique », a déclaré le chef de l’État français lors d’une conférence de presse à Berlin, son premier déplacement international depuis sa réélection. Une idée saluée par le chancelier allemand Olaf Scholz, qui a dit lui aussi trouver « très intéressante » cette proposition.
Une Union européenne à trois vitesses ?
La création d’une telle communauté politique européenne aurait certains avantages, mais ne serait pas non plus sans risques pour l’Union européenne.
« Cela pourrait être un outil pour l’Union européenne, parce que cela permettrait d’avoir une structure mieux adaptée, notamment pour préparer l’élargissement de l’Union européenne à ces nouveaux États, analyse Olivier Costa, directeur de recherches au CNRS. On a déjà des outils, par exemple des pays comme l’Ukraine ou comme la Moldavie sont déjà dans la politique de voisinage depuis quelques années, où un certain nombre de programmes permettent de préparer l’adhésion. Mais cette politique de voisinage a des contours très incertains et symboliquement parlant, ça ne dit pas grand-chose aux Ukrainiens ou même aux Européens. Donc une communauté politique européenne clarifierait cet enjeu. Ça pourrait aussi être un danger, parce qu’un certain nombre d’États membres qui sont actuellement dans l’Union européenne pourraient à un moment donné décider que l’Union européenne, c’est trop contraignant et décider de sortir de l’Union européenne pour ne rester que dans la communauté. Mais peut-être que c’est aussi un des objectifs d’Emmanuel Macron. Depuis qu’il est président, il propose l’idée d’une Europe à plusieurs vitesses et cette communauté créerait un système à trois vitesses : un groupe de pays très avancés, par exemple ceux de l’Eurozone ; un autre groupe qui serait celui des Vingt-Sept ; un troisième groupe qui serait celui de la communauté politique européenne ».
La Commission européenne compte donner en juin son avis sur l’obtention par l’Ukraine du statut de candidat à l’UE, ce qui ouvrirait la voie à un long processus de négociations qui devra être approuvé par l’ensemble des Vingt-Sept, a annoncé lundi Ursula von der Leyen.
Révisions des traités
La présidente de l’exécutif européen s’est par ailleurs prononcée dans un discours pour une modification des traités de l’UE « si nécessaire » et l’abandon du vote à l’unanimité des 27 pays membres dans des domaines clés. « J’ai toujours soutenu que le vote à l’unanimité dans certains domaines clés n’a tout simplement plus de sens », a-t-elle déclaré.
Dans son premier discours sur l’Europe depuis sa réélection, Emmanuel Macron s’est également dit « favorable » à une « révision des traités » de l’Union européenne, comme proposé par le Parlement européen, pour gagner en efficacité institutionnelle par temps de paix comme en temps de crise.
Treize des 27 pays de l’UE se sont dits lundi opposés au lancement d’une procédure pour changer les traités. Emmanuel Macron a reconnu des « divergences » entre les États membres sur le sujet et souhaite évoquer cette question avec les dirigeants des Vingt-Sept lors d’un sommet en juin. rfi