Des usines fermées pour encore une semaine et une consommation quasiment à l’arrêt: l’épidémie du coronavirus, qui paralyse les principaux moteurs de l’économie chinoise, pourrait faire dégringoler la croissance déjà fragile du géant asiatique et amener Pékin à muscler ses mesures de relance.
Pour tenter d’endiguer les contaminations, Wuhan et la province du Hubei (centre), d’où s’est propagée la maladie, restent coupés du monde. Les mesures de confinement s’étendent désormais à d’autres grandes villes, dont Hangzhou, siège de l’emblématique géant du l’e-commerce Alibaba.
Surtout, une dizaine de provinces – pour la plupart très industrialisées comme le Guangdong (sud) — ont enjoint aux usines et entreprises « non essentielles » de rester fermées jusqu’au 9 février.
Cela les oblige de facto à reporter leur redémarrage après les longs congés du Nouvel an lunaire, débutés le 24 janvier.
« Ces régions représentent plus de 50% du PIB chinois, tout retard dans la reprise de l’activité amplifiera l’impact sur la croissance au premier trimestre », avertit le cabinet Oxford Economics.
Le secteur manufacturier – mis en grande partie sous cloche – représente environ un tiers de l’économie chinoise.
Le Hubei est par ailleurs un centre majeur de l’industrie automobile, avec de nombreux équipementiers: sa paralysie prolongée « aura évidemment des répercussions sur les chaînes de production d’autres régions », soulignent les analystes.
Basé à Wuhan, le constructeur chinois Dongfeng a indiqué que la réouverture de ses usines « dépendra des opérations de prévention de l’épidémie ». Le japonais Nissan, lui, envisage de reporter « après le 14 février » la reprise de sa production au Hubei.
Ailleurs en Chine, l’américain Ford compte redémarrer sa production « progressivement à partir du 9 février ».
« Le retour à la normale prendra du temps » et ces délais pourraient sabrer jusqu’à 2% de la production automobile annuelle chinoise, avertissent les experts de Standard & Poor’s.
– « Facteur peur » –
Partout, centres commerciaux et cinémas sont fermés, les restaurants désertés. Les voyages en groupe ont été suspendus, des milliers de trains annulés jusqu’au 8 février ou davantage. Nombre de compagnies aériennes ne desservent plus le pays.
« L’épidémie et le +facteur peur+ vont peser sur les dépenses de consommation », concluent des experts d’Euler Hermes. La consommation privée générait en 2019 la moitié de la croissance du pays… contre deux fois moins lors de l’épidémie du Sras en 2002-2003.
Un coup très dur pour le tourisme, les services et la distribution à cette période cruciale: les ménages chinois avaient dépensé plus de 1.000 milliards de yuans (130 milliards d’euros) durant les vacances du Nouvel an 2019.
Lors des congés 2020, le nombre de passagers chinois, tous modes de transports compris, a chuté de 70% par rapport à l’an dernier, selon Standard & Poor’s.
La populaire chaîne de fondue chinoise Haidilao a annoncé à l’AFP maintenir fermés « sine die » ses 600 restaurants dans le pays. L’américain Apple a fermé ses magasins en Chine continentale jusqu’au 9 février, la chaîne Starbucks la moitié de ses 4.000 cafés et la chaîne japonais de prêt-à-porter Uniqlo un tiers de ses points de vente.
– Mesures de relance –
Production manufacturière sabrée et consommation atone: l’épidémie pourrait aggraver l’essoufflement économique de la Chine, après une croissance de 6,1% l’an dernier, sa plus faible en presque 30 ans.
« L’impact économique pourrait dépasser » celui de l’épidémie de Sras, observent les analystes de Goldman Sachs, qui ont sabré à 4%, contre 5,6% précédemment, leur prévision de croissance chinoise au 1er trimestre.
Pour Oxford Economics, la croissance pourrait tomber à 5,4% sur l’ensemble de l’année, un plus bas depuis 1990. De quoi faire trébucher l’économie planétaire: la Chine représente désormais environ 17% du PIB mondial, contre 4% à l’époque du Sras.
Sous pression, Pékin affiche sa volonté de soutenir l’activité: la banque centrale a injecté lundi l’équivalent de 156 milliards d’euros de liquidités dans le système financier et abaissé le taux de ses prêts à court terme aux banques commerciales.
« La banque centrale a joué son rôle pour éviter le chaos sur les marchés. On attend du gouvernement qu’il joue le sien », avec des mesures de relance budgétaires ciblées et des chantiers d’infrastructures, déclare Iris Pang, économiste de la banque ING.
Dans l’immédiat, « l’efficacité de telles mesures n’est pas sûre », tempéraient les analystes de l’agence Moody’s. « Vu le fort climat d’incertitude, les consommateurs pourraient simplement épargner ce qu’ils n’ont pas dépensé ».