Le narcotrafiquant mexicain Joaquin Guzman, dit « El Chapo », a été condamné par un juge de New York à la perpétuité, assortie de 30 années de prison supplémentaires. Ses avocats comptent faire appel de cette condamnation.
Sans surprise, le narcotrafiquant mexicain Joaquin Guzman, alias El Chapo, a été condamné, mercredi 17 juillet, à New York à la perpétuité. Cette peine a été assortie de trente années de prison supplémentaires.
Les avocats du narcotrafiquant le plus puissant depuis la fin du règne du Colombien Pablo Escobar, en 1993, ont déjà annoncé qu’ils feraient appel de cette condamnation.
Joaquin Guzman, aujourd’hui âgé de 62 ans, a acheminé aux États-Unis, au moins 1 200 tonnes de cocaïne ces vingt-cinq dernières années.
« Les preuves accablantes présentées lors du procès ont montré que [Joaquin Guzman] était le chef impitoyable et sanguinaire du cartel de Sinaloa », qu’il a codirigé entre 1989 et 2014, a écrit le bureau du procureur fédéral de Brooklyn Richard Donoghue, dans son réquisitoire avant le prononcé de la peine.
« L’impact de cette sentence est limité, le pouvoir du cartel de Sinaola n’en est pas forcément diminué », relativise Laurence Cuvillier, correspondante de France 24 au Mexique, qui explique que « le cartel n’est pas une structure pyramidale, mais un réseau à plusieurs têtes ».
Une chute rude
Durant le procès, l’accusation a montré que le Mexicain avait ordonné l’assassinat ou mis lui-même à mort, au moins 26 personnes – parfois après les avoir torturées –, qui étaient informateurs, trafiquants issus d’organisations rivales, policiers, collaborateurs voire même des membres de sa propre famille.
Depuis son extradition le 19 janvier 2017, « El Chapo » – « Le Courtaud », un surnom dû à sa petite taille, environ 1,60 m – a perdu de son aura : isolé dans sa cellule 23 heures sur 24, après deux évasions au Mexique, il ne peut voir que ses avocats et ses jumelles de 7 ans. Même sa femme est interdite de visite.
La chute est rude pour celui qui dirigea vingt-cinq ans durant, l’un des cartels les plus puissants de la planète, ancien héros de la culture narco et des « narcocorridos », ces ballades mexicaines avec guitares et trompettes qui racontent les chefs de cartels.
Vendeur d’oranges
Ses évasions ont alimenté sa légende et lui ont valu une notoriété internationale, jusqu’à son arrestation en 2016, qui a mis fin à des décennies de traque par les autorités.
Joaquin Guzman est l’un de ces narcotrafiquants partis de rien : né le 4 avril 1957 dans une famille pauvre d’un village des montagnes de Sinaloa, dans le nord-ouest du Mexique, il travaille dès l’enfance en vendant oranges, caramels et boissons gazeuses.
Comme il le racontera à l’acteur Sean Penn lors d’un entretien, en octobre 2015 – censé rester secret mais qui contribuera à son arrestation –, il se met, adolescent, à cultiver marijuana et pavot, faute d’alternatives. En 1989, Guzman fonde avec trois associés le cartel de Sinaloa, dont il fera en quelques années un empire aux ramifications européennes et asiatiques.
« Je fournis plus d’héroïne, de méthamphétamine, de cocaïne et de marijuana que n’importe qui dans le monde. J’ai des flottes de sous-marins, d’avions, de camions et de bateaux », se vantait-il dans cette interview controversée à Sean Penn, publiée dans le magazine Rolling Stone.
La fortune amassée par le cartel lui vaudra de figurer un temps sur la liste du magazine Forbes des hommes les plus riches du monde, avant d’en sortir en 2013 en raison des dépenses nécessaires à sa protection.
Évasions à répétition
El Chapo a mené une lutte ultra-violente à l’encontre de ses rivaux, une guerre entre cartels qui ravage aujourd’hui encore le Mexique.
En 1993, il est arrêté au Guatemala. Détenu dans une prison de haute sécurité mexicaine, il soudoie ses gardes et s’échappe en 2001, caché dans un bac à linge sale. Les autorités mexicaines mettront treize ans à le rattraper, en février 2014, dans la station balnéaire de Mazatlan, où il se cachait avec sa femme Emma Coronel, une reine de beauté de trente-deux ans sa cadette, et leurs jumelles, nées aux États-Unis.
En juillet 2015, rebelote : Guzman s’évade par un tunnel de 1,5 kilomètre débouchant sous la douche de sa cellule et équipé de rails. Cette nouvelle cavale sera brève : il est arrêté en janvier 2016 à Los Mochis, sur la côte pacifique, dans son fief de Sinaloa.
Outre ses jumelles, il a d’autres enfants, dont au moins deux fils que les autorités américaines ont accusés de jouer un rôle « important » dans son cartel. Un autre fils, Edgar, a été abattu en 2008.