États-Unis: les premiers enseignements des élections de mi-mandat

États-Unis: les premiers enseignements des élections de mi-mandat

La vague rouge n’a pas eu lieu, aux États-Unis. Les démocrates ont mieux résisté qu’annoncé par les sondages aux élections de mi-mandat du 8 novembre. Les républicains sont en passe de l’emporter à la Chambre des représentants, mais d’une courte tête : deux sièges de plus que leurs adversaires, selon les projections de la chaîne NBC. Au Sénat, il faudra sans doute encore plusieurs jours avant de pouvoir déterminer si les démocrates conservent ou non leur très mince majorité.

Les démocrates ont défié les prédictions des sondages, analyse notre correspondant à Miami, David Thomson. Ils perdent la Chambre, certes, mais limitent la casse et on ne sait pas encore qui contrôle le Sénat.

Dans des élections de mi-mandat traditionnellement défavorables au camp présidentiel, il est tentant de présenter cela comme une petite victoire. Pour autant, ce sont bien les républicains qui sont en tête du vote populaire jusqu’ici, explique notre correspondant à Washington, Guillaume Naudin.

Pour le renouvellement des 435 élus de la Chambre, une majorité, même courte, reste une majorité. Les républicains ont déjà prévu de tenter de défaire une bonne partie de ce qui a été fait par la Chambre précédente.

Ils ont notamment prévenu qu’il n’y aurait plus de chèque en blanc pour l’Ukraine, que la commission spéciale du 6-Janvier serait dissoute et qu’ils prévoient à leur tour d’ouvrir des enquêtes sur la gestion de la crise du Covid-19.

Il est également question du fils du Joe Biden, Hunter, voire de lancer des procédures de destitution contre les adversaires idéologiques. Ce ne sera donc pas facile pour le camp présidentiel. Mais cela pourrait être encore pire. Si les démocrates ne parviennent pas à garder le contrôle du Sénat, pendant les deux prochaines années, le président Joe Biden n’aurait plus que son droit de véto pour exister.

Le président Joe Biden s’est exprimé au lendemain du vote. Même s’il ne sait pas encore qui contrôlera le Congrès, il sait déjà qu’il devra composer avec les républicains. Et se dit prêt à le faire.

Quels que soient les résultats finaux de cette élection et je sais qui y a des décomptes en cours, je suis prêt à travailler avec mes collègues républicains. Le peuple américain a clairement dit, je crois, qu’il attend que les républicains soient prêts à travailler avec moi également. En politique étrangère, j’espère que nous continuerons notre approche bipartisane de nous opposer à l’agression russe en Ukraine.

Des trumpistes défaits ou en difficultés
En attendant, les dépouillements continuent dans plusieurs États-clés comme le Nevada et l’Arizona. Ce dernier État fait figure de symbole, puisque c’est là que se présentaient les candidats trumpistes les plus durs.

Les négateurs des élections comme Kari Lake pour le poste de gouverneur et Blake Master au Sénat sont en grande difficulté. Et s’ils perdent, ce sera aussi une défaite majeure pour Donald Trump.

Concernant Blake Masters, cela paraît compliqué au Sénat. Il est encore loin derrière le sortant démocrate, Mark Kelly, en Arizona, État où l’aile trumpiste garde en revanche l’espoir d’un joli coup au poste de gouverneur.

La candidate républicaine, c’est Kari Lake, complètement alignée sur l’ancien président, et pressentie même par certains pour être sur le ticket de M. Trump pour 2024. Son adversaire s’appelle Katie Hobbs. Cette dernière était loin devant, mais l’avance s’est réduite à une trentaine de milliers de voix d’écart. Pas vraiment non plus le coup d’éclat dont Trump rêvait avant d’annoncer sa candidature pour 2024.

En Pennsylvanie, plusieurs trumpistes, candidats au Sénat ou aux postes de gouverneurs, n’ont pas passé l’épreuve des urnes. C’est le cas de Doug Mastriano qui avait vraiment soutenu les allégations de fraude invoquées par Donald Trump après l’élection présidentielle de 2020.

Celui qui avait été jusqu’à marcher vers le Capitole en 2021, pour contester l’élection de Joe Biden, ne sera donc pas gouverneur. Il a été largement battu par le démocrate Josh Shapiro. Défaite aussi du candidat de Donald Trump à ce poste dans le Maryland et dans le Michigan, ou encore de candidats à la Chambre dans l’Ohio, en Virginie, au New Hampshire.

L’ancien président a beaucoup misé sur eux. Il se consolera en constatant que dans l’Ohio, son candidat controversé James David Vance a quant à lui été élu au Sénat.

Pour Joe Biden, c’est une soirée qui est mieux que prévu, mais je n’irai pas jusqu’à dire que c’est un gagnant, parce qu’on parle quand même de la possibilité quasi certaine maintenant que la Chambre soit aux mains des républicains.

En Floride, Ron DeSantis sort des élections renforcé
Pour une bonne partie de la presse américaine, Ron DeSantis, le gouverneur triomphalement réélu de Floride, et potentiel rival de Donald Trump pour la course présidentielle de 2024, a été le grand gagnant des élections de mi-mandat.

C’est la plus large victoire depuis 20 ans à un poste de gouverneur en Floride avec 15 points d’écart entre Ron DeSantis et Charlie Crist. Le républicain a raflé non seulement le comté de Miami-Dade – longtemps la chasse gardée des démocrates.

Mais il remporte aussi, le soutien de très nombreux électeurs d’origine hispanique comme le souligne la presse américaine. Et ça, c’est déterminant en Floride.

À cette victoire s’ajoutent les bonnes performances d’autres républicains das n, le sénateur Marco Rubio par exemple facilement réélu, ce qui met la Floride, cet ancien Etat pivot, hors de portée des démocrates désormais. « Nous n’avons pas seulement gagné », a d’ailleurs déclaré le gouverneur dans la nuit du 8 au 9 novembre, « nous avons réécrit la carte politique ».

Ces très bons résultats de Ron DeSantis donnent aussi aux conservateurs un enseignement important pour la présidentielle de 2024. Le Parti républicain peut regarder ce qui s’est passé en Floride et puis regarder ce qui se passe dans le reste du pays, ou les candidats soutenus par Donald Trump semblent plutôt à la peine.

Ce n’est pas le coup d’éclat dont Trump espérait s’attribuer le mérite. L’ancien président pourrait annoncer sa candidature à la présidentielle la semaine prochaine.

Ron DeSantis oui, c’est un candidat qu’on peut qualifier de trumpiste, mais vraiment, depuis quelque temps, on voit la distance se créer avec Trump et on sait que Donald Trump ne fait pas dans la subtilité.

Des premières et des inattendus
Parmi les victoires figurent aussi des noms moins connus, des personnalités inattendues qui ont fait l’histoire. Ainsi, ces scrutins ont renforcé la diversité des représentants politiques. Pour la première fois, une femme ouvertement lesbienne a été élue gouverneure, en l’occurrence la démocrate Maura Healey à la tête du Massachusetts.

Dans le Maryland, un vétéran de guerre et écrivain, Wes Moore, devient le premier Afro-Américain à accéder au poste de gouverneur. La fonction sera aussi occupée pour la première fois par une femme dans l’Arkansas.

La victoire de cette dernière, Sarah Huckabee Sanders, est aussi celle de Donald Trump, qui avait fermement soutenu son ex-attachée de presse. Mais on l’a vu, l’ex-président républicain a été moins chanceux en Pennsylvanie.

Les démocrates remportent une victoire majeure en Pennsylvanie. Le très atypique John Fetterman gagne malgré son AVC en mai face au Dr Mehmet Öz, soutenu par Donald Trump. Cet ancien footballeur au crâne rasé, qui mesure plus de deux mètres, ne quitte jamais son sweat à capuche et fait partie des inattendus.

Je l’aime bien, je trouve qu’il a cette sensibilité de monsieur tout le monde qui plaît aux gens. Et il a l’air d’un outsider, mais dans le bon sens, comparé aux politiciens traditionnels.

Toujours parmi les nouvelles têtes à suivre ces prochaines années : Maxwell Frost. Ce jeune Afro-Américain de Floride est le premier membre de la génération Z, regroupant les personnes nées entre 1997 et 2010, à faire son entrée au Congrès, à 25 ans.

Changement de génération aussi chez les républicains de Floride, où pour la première fois une jeune conservatrice d’origine mexicaine est élue. Et pour elle, Anna Paulina Luna, les élections de 2020 ont été volées.

En Géorgie, vers un second tour entre Warnock et Walker
La campagne pour ces élections de mi-mandat a été très agressive en Géorgie, rappelle notre envoyée spéciale à Atlanta, Stefanie Schüler. Et voilà que c’est reparti pour quatre semaines supplémentaires.

On ne connaîtra pas la composition exacte du Sénat tant que l’élection pour le siège de sénateur dans cet État du Sud ne sera pas tranchée entre le démocrate sortant Raphael Warnock et son adversaire Herschel Walker.

Pour l’instant, le démocrate mène avec une avance de 17 000 voix. Mais après le dépouillement de 99% des bulletins, il apparaît clairement qu’aucun des deux candidats n’arrivera à dépasser les 50% de voix.

La Géorgie se dirige donc tout droit vers un second tour. Et cela ne plaît pas du tout aux électeurs. Qu’ils soient démocrates ou républicains, ceux rencontrés par RFI sont exaspérés.

« On va encore frapper à ma porte. Je vais encore recevoir des coups fil à n’en plus finir. Ma boîte mail sera encore inondée de messages », nous confiaient-ils ce mercredi, qu’ils aient voté pour ou l’autre des deux partis.

On se dit tous : pas encore ces spots de télé pour quatre semaines supplémentaires, on n’en peut plus !

Cela va poser un problème aux équipes des candidats : il va bien falloir remobiliser les troupes, et ceci dans le temps record d’un mois, au lieu de neuf semaines auparavant, selon une nouvelle loi électorale adoptée en 2021.

D’autant que les durées pour les votes par anticipation et par correspondance ont également été réduites, et que pour ne rien arranger, le long week-end de Thanksgiving tombera pile au milieu de cette campagne.

Quatre jours précieux de congés, durant lesquels la participation risque donc d’être moindre, dans cet État traditionnellement conservateur. Les démocrates craignent que cela se retourne contre leur candidat.

Toujours en Géorgie, le gouverneur républicain sortant, Brian Kemp, a gagné une deuxième fois contre une étoile montante du Parti démocrate, la candidate noire américaine Stacey Abrams, comme en 2018.

En effet, la championne de la lutte contre l’injustice sociale et les inégalités raciales n’a pas réussi à s’imposer dans cet État du Sud encore très fermé.

RFI a rencontré l’une de ses électrices, Hillary Clarks. Elle fait partie de ces nouveaux électeurs progressistes qui aimeraient voir émerger une Géorgie plus ouverte. Elle a donc voté pour l’ex-cheffe de la minorité démocrate à la Chambre locale.

Nous n’allons jamais arriver à décrocher le poste de gouverneur. Il sera toujours occupé par les républicains. Je trouve que notre pays est vraiment prisonnier du système qui consiste à garder les choses en l’état. C’est particulièrement vrai dans le Sud profond. Ici, on n’aime pas s’ouvrir aux idées nouvelles.

En Arizona, les démocrates en tête
En Arizona, l’écart entre les candidats républicains et démocrate est passé de plus de 150 à 200 000 voix le soir du vote, à quelques petits milliers. Pour l’instant, les démocrates sont en tête.

À Phoenix, observe notre envoyé spécial Thomas Harms, les républicains espèrent avoir gagné, mais rien n’est joué. Si l’attente est frustrante, les électeurs sont habitués à un long processus de comptage.

Les démocrates disent que c’est par soucis de rigueur, les républicains répondent que c’est par manque de préparation et à cause de « magouilles ».

Il faut dire qu’après des défaillances lors du jour des scrutins, certaines machines de vote ne reconnaissaient pas les bulletins. Les résultats vont encore se faire attendre.