Etats-Unis: l’université de Berkeley, de la contestation étudiante à l’«alt-right»

« Free speech movement », pacifisme contre la guerre du Vietnam… Quatre ans avant Mai 68, la révolte étudiante a commencé à gronder sur la côte ouest des Etats-Unis, sur le campus de l’université de Berkeley en Californie. Epicentre contestataire et libéral par excellence depuis les années 1960, ce campus mythique est aujourd’hui le terrain de jeu d’une autre forme de contestation qui, elle aussi, revendique avec provocation la liberté d’expression : celle de l’« alt-right », cette droite identitaire pro-Trump.

De notre envoyé spécial à Berkeley,

C’était en 1970. Berkeley épicentre de la contestation sur les pelouses de la prestigieuse université. Les discours enflammés contre la guerre du Vietnam se succèdent. Une effervescence contestatrice rendue possible par le « Free speech movement » quelques années plus tôt.

En 1964 précisément, des centaines d’étudiants en sit-in réclamant la liberté d’expression politique sur le campus sont arrêtés. C’est le début de protestations qui vont essaimer partout dans le monde jusqu’en France en mai 68. C’est aussi à cette époque que Berkeley devient la toute première ville sanctuaire des Etats-Unis.

« Offrir un sanctuaire est une vieille tradition à Berkeley, rappelle Karina Loffee, cheffe de la communication de la mairie. Cela remonte à 1971 quand nous avons commencé à offrir un refuge aux soldats qui refusaient la conscription pour le Vietnam. Ensuite nous sommes devenus une ville sanctuaire pour les réfugiés qui fuyaient les guerres civiles en Amérique centrale. Et récemment, face à la rhétorique xénophobe et raciste du président Trump, nous avons réaffirmé notre statut de ville sanctuaire. »

La Californie, Etat sanctuaire

Depuis près de 400 villes et comtés ont suivi l’exemple. Même la Californie, terre de résistance à Donald Trump, s’est proclamée Etat sanctuaire en 2017. Changement d’époque aujourd’hui, Berkeley n’est plus un refuge pour les jeunes refusant de combattre au Vietnam, mais pour les sans-papiers fuyant la police fédérale de l’immigration.

« Ville sanctuaire, cela veut dire que notre police ne va pas coopérer avec l’agence fédérale de l’immigration à moins qu’ils aient un mandat, explique Karina Loffee. La police fédérale lutte toujours contre les crimes violents et continue d’intervenir dans la ville, que les choses soient claires, mais ce que nous refusons c’est que notre police ou nos services administratifs collaborent sur les questions d’immigration. »

Depuis l’élection de Donald Trump, l’université de Berkeley est aussi devenue le lieu privilégié de la contestation conservatrice. Opposants et partisans du président américain s’y affrontent parfois jusqu’à l’émeute au nom de la liberté d’expression.

Les conservateurs montent au créneau

Dans la bibliothèque de Berkeley, un débat s’ouvre sur les violences policières contre les femmes noires notamment transsexuelles. Un événement que des manifestants conservateurs ont tenté d’empêcher, comme l’explique l’une des organisatrices, l’activiste canadienne Andrea Richie :

« Il y a une tendance conservatrice ici à Berkeley. Quand nous sommes arrivés pour cette conférence, il y avait des gens qui avançaient des idées et une démarche nazie. Et on a entendu dans la soirée une jeune femme qui est lesbienne noire, de présentation plutôt masculine qui a parlé de la façon dont son corps et ses idées sont surveillés sur ce campus. Donc oui il y a toujours des mouvements progressistes ici à Berkeley, mais il y a aussi une tendance conservatrice notamment dans l’école de droit et dans la direction de l’université. »

Et ces affrontements au nom de liberté d’expression coûtent cher à l’université.
En février, pour éviter l’émeute, Berkeley a dépensé 4 millions de dollars pour sécuriser l’intervention d’une figure conservatrice anti-islam et partisane de Donald Trump.

rfi