Alors que la réouverture des frontières aériennes se profile, de nombreuses incertitudes demeurent sur le retour à la normale du trafic. Jeune Afrique fait le point.
Après plus de trois mois sans voler, les compagnies aériennes entrevoient enfin le bout du tunnel. Le 25 juin, la Royal Air Maroc renouera ainsi avec une partie de ses dessertes domestiques (Agadir, Dakhla, Laâyoune, Oujda) depuis son hub de Casablanca, avant Marrakech et Tanger. Même date de reprise pour la low-cost Air Arabia Maroc. Air Côte d’Ivoire redémarrera quant à lui ses opérations le 26 juin.
Mais pour nombre d’opérateurs, la situation est moins claire. La compagnie panafricaine Asky, qui assure ses connexions depuis Lomé, attend une réouverture des frontières des pays africains avant de faire des annonces. De même, Air Algérie ne s’est pas prononcé sur la date de reprise de ses opérations. En proie à d’importantes difficultés, Air Mauritius se relancera le 1er septembre, quand les vols de Rwandair restent suspendus jusqu’à nouvel ordre…
Réouverture graduelle des frontières
Sur l’intercontinental, Ethiopian Airlines et Kenya Airways ont reprogrammé des vols vers Paris, Genève et Bruxelles pour le mois de juillet mais avec des fréquences réduites. Alors que la diffusion sur les réseaux sociaux d’un faux programme de reprise des liaisons avait suscité une vive polémique en mai, Air France a inscrit à son plan de vol en juillet plusieurs capitales : Conakry, Cotonou, Douala, Yaoundé, Nouakchott et Tunis. La compagnie formule actuellement des demandes en ce sens aux différents États.
La relance des lignes en provenance de l’Europe dépend, outre des autorisations des aviations civiles nationales, de la réouverture des frontières de l’espace Schengen. Mi-juin, le comité des ministres des transports de la Cedeao préconisait, lui, une réouverture des frontières aériennes graduelle : le 15 juillet pour les vols entre États membres, le 22 juillet pour les vols vers les autres pays du continent et le 1er août pour les vols intercontinentaux.
Les prévisions butent sur une double difficulté : la situation sanitaire n’est pas encore claire ni stabilisée dans plusieurs pays africains et la crainte d’une deuxième vague reste forte en Europe. Résultat, personne ne souhaite prendre la responsabilité d’importer d’éventuels cas, dans un sens comme dans l’autre.
Pour les passagers, de nouvelles contraintes émergent. Par exemple, les ressortissants congolais bloqués à Paris utilisant les vols de rapatriement d’Air France devront fournir à leur arrivée à Brazzaville et Pointe-Noire la preuve d’un dépistage avant embarquement. Une fois descendus d’avion, ils seront soumis à autre dépistage puis à une quarantaine à l’hôtel.
Air Sénégal vise Paris pour la mi-juillet
Les compagnies estiment qu’il faudra du temps avant de revenir au niveau d’activités pré-Covid 19. Air Côte d’Ivoire, dont les opérations sont d’abord limitées au territoire national (Korogho, San Pedro, Bouaké, Man et Odienné), envisage ainsi un retour à la normale de manière progressive : reprise de 25 % des vols dans un premier temps, puis 50 %, mais sans renoncer à sa stratégie de développement sur le long-courrier.
Autre exemple, Air Sénégal a repris ce week-end sa liaison vers Ziguinchor, qui redeviendra quotidienne à partir de la semaine prochaine. Alors que le Sénégal conserve ses frontières fermées jusqu’au 30 juin, la jeune compagnie, qui a envoyé tous ses pilotes en France passer des séances de simulateur pour « rafraîchissement », prévoit selon nos informations de relancer les dessertes d’Abidjan (d’abord quatre fois par semaine) et de Praia à la mi-juillet. Elle espère rouvrir début août Conakry, Bamako, Casablanca, Barcelone et Marseille, et, à partir de septembre, Ouagadougou, Niamey, Accra, Lagos. Soit 80 % de son activité pré-Covid 19 prévue pour fin août. Air Sénégal relancera Abidjan en quotidien en octobre si le trafic est suffisant.
La compagnie saura dans les prochains jours si elle peut relancer sa desserte vers Paris comme elle l’espère à la mi-juillet, avec d’abord cinq vols hebdomadaires. « Nous n’arrivons pas à savoir quel sera le degré de reprise du marché. Nous ne souhaitons pas être en surcapacité, mais on suppose qu’il y aura toujours le segment des voyageurs qui viendront rendre visite à leurs proches », poursuit-on au sein de la compagnie qui recevra en septembre et octobre ses deux A321 et qui a bénéficié de 45 milliards de F CFA (68,5 millions d’euros) de dotations de l’État. Ce qui est plus que la levée de fonds prévue en 2021.
Une réduction durable des fréquences
Pour les principaux opérateurs d’Afrique de l’Ouest, la crise pourrait permettre une rationalisation de l’offre alors que de nombreux acteurs se battaient jusque-là sur de petits marchés. « Il y avait 320 000 sièges proposés sur la ligne Abidjan-Dakar pour un marché de 150 000-170 000 passagers. Résultat, on arrivait à un remplissage de 50 à 70%. Les acteurs les plus prédateurs seront sûrement plus prudents et n’assureront plus autant de fréquences », commente le dirigeant d’une compagnie ouest-africaine, notant que Brussels Airlines suspend les escales de Bamako, Conakry et Ouagadougou quand Kenya Airways et Vueling réduisent leurs fréquences.
Par ailleurs, la situation financière de certains acteurs comme Air Burkina et Camair-Co, qui ont mis leur personnel au chômage technique, rendent une reprise rapide des vols plus hypothétique.
Plusieurs cabinets travaillent actuellement sur des scénarios de reprise du trafic pour des compagnies et des aéroports. « Il y a trois hypothèses possibles : un trafic qui recommence totalement malgré la présence de cas, un trafic que ne reprend qu’entre certains pays ayant ouvert leurs frontières et un trafic qui recommence sans contrainte particulière en l’absence de nouveaux cas », estime Jean-Marc Bourreau, directeur aviation du cabinet canadien CPCS, qui ne table pas sur une reprise généralisée du transport aérien.
Auteur : Jeune Afrique