C’est une opération reconquête qu’Emmanuel Macron entreprend ce jeudi 12 avril. Un marathon médiatique qui l’emmènera à nouveau face à la caméra dimanche soir. En baisse dans les sondages, confronté à un mouvement social d’ampleur, le président sera d’abord l’invité de Jean-Pierre Pernaut ce jeudi midi, l’une des figures les plus populaires du petit écran. Une interview dans un petit village normand. Un format inédit pour un objectif clair : expliquer et convaincre l’électorat rural et populaire que ses réformes sont les bonnes alors que le président fête dans quelques semaines sa première année à l’Elysée.
Il ne voulait pas d’une présidence « bavarde », il a enterré la conférence de presse de rentrée, il garde ses distances avec les journalistes, notamment à l’Elysée, et pourtant Emmanuel Macron a opté pour une double offensive médiatique.
Il sera l’invité de TF1 ce jeudi midi et de BFM, RMC et Médiapart dimanche soir. Il sera interviewé d’abord par Jean-Pierre Pernaud pendant une heure dans une école d’un petit village de Normandie et ensuite par Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin « dans un lieu culturel » pendant deux heures. Une stratégie de communication originale et qui interroge.
Une heure sur TF1, deux heures sur BFM, RMC et Médiapart, à trois jours d’intervalle. Un dispositif de communication inédit et complémentaire, analyse Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop. « D’un côté, il y a la logique de proximité avec le journal de 13h de Jean-Pierre Pernaut, vu par beaucoup de personne dans les milieux ruraux, en province, dans le périurbain, par les personnes âgées. Une France à laquelle peut-être Emmanuel Macron ne parle pas assez, et qui est peut-être plus critique que l’ensemble des Français. A cette logique s’ajoute une émission qui s’adressera plus à une France des grandes villes, une France plus connectée et plus intéressée par les questions d’information. On a deux vecteurs très différents. »
Les publics ciblés ne sont pas les mêmes mais cette double offensive est un choix « surprenant » et qui présente un risque, estime Thierry Vedel, du Centre de recherches politiques de Sciences Po. « Le danger est de trop voir les codes et la stratégie de communication. Or l’important en politique reste quand même le message et donc il faut viser la simplicité lorsque l’on doit communiquer. »
Pas de risque de saturation, balaye-t-on dans le camp de la majorité. Un député macroniste l’assure : « Il faut vendre les réformes et pour cela on a besoin de faire beaucoup de pédagogie. »
Un territoire normand et rural
A Emmanuel Macron d’entrer en scène donc.
Et c’est à Berd’huis, village d’un millier d’habitants à 150 kilomètres de Paris, qu’il le fera d’abord, en répondant aux questions d’une icône de la télévision, l’indétrônable Jean-Pierre Pernaut.
Berd’huis son église, sa départementale, ses trois médecins, son dentiste et ses nombreux commerces de proximité. C’est un village idéal, un village modèle qu’Emmanuel Macron a choisi pour son grand oral. Interrogée par RFI, Madame la maire Brigitte Luypaert ne le cache pas : Berd’huis est plutôt bien loti. « Village modèle, je ne sais pas, village doté de services. J’ai des collègues qui craignent la fermeture de leur école, que le médecin qui part à la retraite ne soit pas remplacé. Il y a des craintes dans ce monde rural. C’est Berd’huis qui a été choisi avec sa belle école… »
Ce choix est une victoire pour Annie Genevard des Républicains qui reproche au président son abandon des territoires : « Cela veut dire qu’on a frappé juste, puisqu’il éprouve le besoin d’organiser, de scénariser cette interview sur les territoires, dans une petite commune rurale, dans une école, finalement, cela nous donne raison. »
Faux répond le député LREM Aurélien Taché qui dénonce une instrumentalisation politique : « C’est un peu comme pour l’immigration sur cette question, on essaie d’alimenter les peurs : on dit aux gens qui sont dans les territoires ruraux « attention, vous êtes délaissés », alors que dans les faits, l’augmentation des professeurs est strictement proportionnelle à l’augmentation des élèves par classe. »
Si la majorité fait bloc derrière son président, dont elle salue l’action
Eric Coquerel de la France insoumise rappelle lui que cette interview prend place en plein mouvement social : « Manifestement, il monte en première ligne parce qu’il ne s’attendait pas à une telle opposition des cheminots, des étudiants. Je pense qu’il n’a pas forcément raison. Dans la Ve République, c’est toujours pratique d’avoir des fusibles, mais là ça devient lui le fusible. »
rfi