France, Italie, Allemagne et Espagne suspendent à leur tour l’utilisation du vaccin AstraZeneca

La covid-19 réserve un accueil rigide au vaccin

Quatre pays européens, France, Italie, Allemagne et Espagne, ont annoncé, ce lundi 15 mars 2021, suspendre à leur tour l’utilisation du vaccin AstraZeneca par précaution. Dans le même temps, le groupe pharmaceutique anglo-suédois affirme qu’il n’y a « aucune preuve de risque aggravé » de caillot sanguin entraîné par son vaccin.
La France a décidé de « suspendre par précaution » l’utilisation du vaccin AstraZeneca, en attendant un avis de l’autorité européenne du médicament, qui sera rendu mardi après-midi, a annoncé Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse à Montauban. Le chef de l’État a dit « espérer reprendre vite » la vaccination avec ce sérum « si l’avis de l’autorité européenne le permet », alors que plusieurs pays européens ont, eux aussi, suspendu ce vaccin, dont l’Allemagne et l’Italie lundi.

« L’Autorité européenne, l’EMA, rendra demain après-midi un avis sur le recours à ce vaccin. […] La décision qui a été prise en conformité aussi avec notre politique européenne est de suspendre par précaution la vaccination avec AstraZeneca en espérant la reprendre vite si l’avis de l’EMA le permet », a déclaré M. Macron lors d’une conférence de presse avec le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, à l’issue d’un sommet franco-espagnol.

Les sapeurs-pompiers des Bouches-du-Rhône ont annoncé lundi la suspension de la vaccination de leur personnel contre le Covid-19 avec le vaccin du groupe pharmaceutique anglo-suédois après la survenue d’effets indésirables chez un pompier.

Lors d’un entretien sur la plate-forme pour fans de jeux vidéo Twitch, le Premier ministre Jean Castex avait estimé dimanche soir qu’il fallait avoir « confiance » dans le vaccin AstraZeneca. « Sinon on aura des retards dans la vaccination, les Françaises et Français seront moins protégés et la crise sanitaire durera longtemps », avait argué le chef du gouvernement.

Suspendues la semaine dernière en raison du nombre limité de lots disponibles, les commandes de vaccins AstraZeneca avaient été rouvertes lundi pour les médecins libéraux français.

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Suspension dans une douzaine de pays
Une douzaine de pays ont suspendu par précaution l’utilisation du vaccin AstraZeneca, malgré des campagnes de vaccination poussives, après le signalement d’effets secondaires « possibles » mais sans lien avéré à ce stade. Le groupe pharmaceutique anglo-suédois affirme qu’il n’y a « aucune preuve de risque aggravé » de caillot sanguin entraîné par son vaccin, tandis que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’il n’y a « pas de raison de ne pas utiliser » ce vaccin.

Ce lundi, l’Italie a donc aussi suspendu à titre de précaution l’administration du vaccin AstraZeneca sur l’ensemble de son territoire. L’agence du médicament italienne, AIFA, « a décidé à titre de précaution et de manière provisoire, dans l’attente d’une décision de l’EMA », l’Agence européenne des médicaments, d’ « interdire l’utilisation du vaccin AstraZeneca sur tout le territoire national », explique l’AIFA dans un communiqué. « Cette décision a été prise en ligne avec des mesures similaires adoptées par d’autres pays européens », précise-t-elle.

L’Autriche avait lancé le mouvement le 8 mars en suspendant un lot de vaccins après la mort d’une infirmière qui venait de recevoir une dose d’AstraZeneca. Cette femme de 49 ans est morte à cause d’une mauvaise coagulation sanguine. Ensuite, d’autres pays, y compris l’Italie, avaient dans un premier temps suspendu des lots isolés. Plusieurs pays scandinaves – Danemark, Norvège, Islande – sont allés plus loin en interrompant l’usage de tous les vaccins AstraZeneca, suivis dimanche par les Pays-Bas et donc ce lundi par la France, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne.

Une décision qui tombe mal pour Berlin
« Une pure mesure de précaution qui n’a pas été facile à prendre ». Le ministre de la Santé a voulu rassurer en annonçant que l’Allemagne suspendait l’utilisation du vaccin Astra Zeneca. Jens Spahn s’appuie sur les recommandations des scientifiques de l’institut Paul Ehrlich qui ces derniers jours n’avaient pas émis de doute sur les risques liés au vaccin anglo-suédois alors que d’autres pays avaient déjà suspendu son utilisation, rapporte notre correspondant à Berlin, Pascal Thibaut. Le gouvernement allemand avait également défendu l’emploi d’AstraZeneca. Jens Spahn a souligné que seulement sept cas de thromboses avaient été recensés en Allemagne où 1,7 million d’injections du vaccin ont été pratiquées.

Pour Berlin, cette décision tombe au plus mal. La confiance dans le vaccin AstraZeneca était déjà ébranlée après la décision initiale de ne pas l’utiliser pour les plus de 65 ans. Une restriction levée par la suite. Au-delà, la nouvelle annonce devrait alimenter un peu plus les frustrations des Allemands contre la campagne vaccinale qui expliquent également le reflux des conservateurs dans les sondages et dans les deux élections régionales de dimanche.

♦ AstraZeneca, vaccin maudit ?

Il y a d’abord eu des essais cliniques perturbés en septembre dernier après l’apparition d’une maladie non expliquée chez un volontaire. Puis le produit mis au point par les chercheurs d’Oxford a souffert de la comparaison avec les vaccins de Moderna et Pfizer efficaces à environ 95%. Bien plus que les 70% du vaccin anglo-suédois, ce qui a suscité plus de méfiance parmi les pays de l’Union européenne qui ont suspendu dans un premier temps les injections chez les seniors.

Ce sont ensuite les retards de livraisons qui écornent davantage l’image d’AstraZeneca. Alors qu’elle fournit bien le Royaume-Uni comme prévu, l’entreprise a déclaré en janvier qu’elle ne livrerait qu’un tiers des 120 millions de doses promises à l’UE. Une nouvelle réduction de ses livraisons a été annoncée il y a quelques jours.

Enfin, et ce sont sans doute les réticences les plus importantes : elles concernent les effets secondaires liés à la vaccination. Plusieurs cas d’allergie ont d’abord été signalés au Royaume-Uni avant que l’inquiétude ne se concentre sur l’apparition de thromboses, des caillots sanguins, chez certaines personnes à qui on a administré le sérum.

Pour l’instant, aucun lien avéré n’a été établi mais une douzaine de pays ont suspendu son utilisation. En attendant fébrilement l’avis de l’autorité européenne du médicament prévu ce mardi.

♦ Londres continue à défendre le vaccin

Le laboratoire britannique AstraZeneca fait remarquer que sur 17 millions de personnes vaccinées avec son produit, seuls quelque 40 cas de caillots sanguins ont été signalés. Le Royaume-Uni, qui emploie Pfizer et AstraZeneca, continue d’ailleurs à défendre le vaccin et va poursuivre son utilisation.

Pour le gouvernement britannique, le vaccin est « sûr et efficace », pas question donc de ralentir le rythme, rapporte notre correspondante à Londres, Muriel Delcroix. Pays le plus endeuillé d’Europe avec près de 125 000 morts, le Royaume-Uni a déjà vacciné quelque 25 millions de personnes, dont 11 millions avec le vaccin d’AstraZeneca et le gouvernement entend poursuivre cette course contre la montre jusqu’à la vaccination de la totalité de la population adulte en juillet.

Le vaccin co-développé par AstraZeneca et l’université d’Oxford ne déclenche pas d’inquiétudes particulières chez les Britanniques d’autant que les données montrent qu’il n’y a pas d’augmentation de caillot sanguin au Royaume-Uni, où la plupart des doses ont été jusqu’à présent administrées en Europe. Les agences européenne et britannique des médicaments ainsi que l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, ont d’ailleurs chacune leur tour déclaré qu’il n’y avait pas de lien établi entre les cas de thrombose signalés et le vaccin, les troubles de la coagulation ne faisant pas partie des effets secondaires reconnus… Le gouvernement britannique invite donc sa population à recevoir le vaccin en toute confiance en insistant sur la réduction extrêmement prometteuse du nombre de cas, d’hospitalisations et de décès à travers tout le pays.

RFI