France: le gouvernement durcit le contrôle des chômeurs

Certaines sanctions prévues à l’encontre des chômeurs en cas de manquement à leurs obligations sont plus dures que ce qu’avait initialement annoncé le gouvernement. Le décret avec les détails des sanctions a été publié au « Journal officiel » dimanche 30 janvier au milieu d’une série de décrets concernant aussi la réforme de la formation professionnelle.

En mars 2018, le ministère du Travail avait annoncé de nouvelles sanctions, certaines allégées, d’autres alourdies, pour les chômeurs. Le décret publié dimanche s’écarte un peu de ce qui avait été annoncé.

Le fait de ne pas se rendre à un rendez-vous avec un conseiller, par exemple, devait être sanctionné de quinze jours de radiation des listes au lieu des deux mois actuellement en vigueur. Finalement, ce sera un mois de radiation selon le texte du décret, deux mois au bout de deux manquements et quatre mois au « troisième manquement » constaté.

Le décret supprime l’allocation dès le premier manquement

S’agissant des sanctions concernant l’insuffisance de recherche d’emploi (refus à deux reprises de deux « offres raisonnables d’emploi » par exemple), le gouvernement avait évoqué des sanctions graduelles : « suspension » de l’allocation d’un mois la première fois, et « suppression » de deux mois la deuxième fois et de quatre mois la troisième fois. Le décret supprime l’allocation dès le premier manquement à une obligation et ne la suspend plus, ce qui permettait de conserver ses droits et de les percevoir ensuite.

Ce contrôle doit se faire via un « journal de bord » numérique, où les demandeurs d’emploi renseigneront tous les mois leurs actes de recherche d’emploi. A partir de mi-2019, ce dispositif sera expérimenté pendant un an dans deux ou trois régions. Quant aux équipes de contrôle, elles sont passées de 200 à 600 personnes.

Critiques des syndicats

Ce durcissement des sanctions a fait bondir les syndicats. « Macron a été obligé de lâcher des mesures suite au mouvement des « gilets jaunes » et il cherche à récupérer des économies autre part, estime Denis Gravouil, responsable confédéral de la CGT. Nous, on pense que la logique de sanction est complètement absurde. C’est faire l’amalgame entre les 0,4% de fraudeurs et l’immense majorité des gens qui cherchent du travail. Le seul moyen de réduire le chômage, c’est de créer des emplois. Là, on nous propose du contrôle, du contrôle et des sanctions. Il faut être dans une logique de confiance. Ce n’est pas la répression qui va permettre de réduire le chômage. C’est au contraire de mieux accompagner les personnes et d’avoir une autre politique de l’emploi ».

Des mesures que déplore également Jean-Paul Domergues, bénévole de Solidarités nouvelles face au chômage (SNC), association spécialisée dans l’accompagnement des personnes sans emploi. « Ce n’est pas par des moyens coercitifs que l’on peut mobiliser les personnes qui sont en difficulté, qui sont découragées », avance-t-il.

« Les études montrent, et notamment celle de Pôle emploi justement qui est d’août 2018, que les chômeurs les plus démobilisés, ce sont les non indemnisés, les gens qui sont vraiment complètement découragés, poursuit Jean-Paul Domergues. Ce n’est pas par un contrôle que cela va changer. Au contraire, cela va les enfoncer encore plus. Les effectifs de Pôle emploi sont en baisse. Et les besoins d’accompagnement restent cependant. Et les effectifs, on va en consacrer une partie au contrôle. Donc ça va être au détriment de l’accompagnement. Nous, on pense que c’est l’inverse qu’il fallait faire ».

« L’Allemagne est plus sévère »

Le président d’un Club de réflexion sur l’avenir de la protection sociale (CRAPS) et ancien dirigeant de Pôle emploi, Hervé Chapron, estime pour sa part que ces contrôles plus durs sont justifiés. « D’après Pôle emploi, vous n’avez que 8% des demandeurs d’emploi qui ne sont pas dans une recherche active d’emploi. Mais d’un autre côté, je trouve que cela fait partie d’une justice morale républicaine. Compte tenu du déficit de l’assurance chômage d’une part, qui contribue au déficit français dont on parle tous les jours, il est tout à fait normal que l’on mette des contrôles en place et que ces contrôles soient à peu près au niveau européen. Malgré le décret du 30 décembre, l’Allemagne reste encore plus sévère que nous ».

Le principe de revoir l’échelle des sanctions en cas de manquement avait été acté par la loi « avenir professionnel » adoptée cet été par le Parlement. Ce volet « contrôle des chômeurs » est présenté comme la contrepartie d’une ouverture plus grande du régime d’assurance-chômage à des démissionnaires ayant un projet professionnel. Mais cette ouverture ne concernera potentiellement que 20 000 à 30 000 démissionnaires supplémentaires, au regard des 70 000 déjà indemnisés chaque année.

 

Rfi