C’est un changement symbolique et le fruit d’une longue bagarre. Comme premier changement au projet de révision de la Constitution, les députés ont symboliquement supprimé jeudi, à l’unanimité, le mot « race » de l’article 1er. Les 119 députés présents ont également, dans le même vote, assuré l’égalité devant la loi « sans distinction de sexe ».
Dans la nouvelle mouture de l’article premier de sa Constitution, la France « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de sexe, d’origine ou de religion ». La formulation précédente était : « Sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Une formulation qui deviendra définitive si la révision constitutionnelle aboutit à l’issue des navettes parlementaires.
Après ce vote, les députés ultramarins en particulier ont affiché leur émotion, au regard du passé colonial français. « C’est un grand moment d’élévation de la conscience collective », a lancé le Martiniquais Serge Letchimy (nouvelle gauche). Le député UAI-Agir de Nouvelle-Calédonie Philippe Gomès a lui rappelé que « 111 Canaques avaient été exposés à côté des crocodiles » lors de l’Exposition coloniale de 1931 à Paris, où la brochure invitait à venir voir « la race canaque avant qu’elle ne disparaisse ».
Cette suppression du mot « race » est un « combat ancien », notamment des communistes qui avaient déposé des amendements dans ce sens dès 2002, a reconnu le rapporteur général (LREM) Richard Ferrand.
Ne pas ralentir la lutte contre le racisme
Lorsque le mot race a été introduit dans le préambule de la Constitution de 1946 puis repris en 1958, les constituants voulaient, après le nazisme, affirmer leur rejet des thèses racistes, héritage de l’histoire coloniale et des théories du XIXe siècle. Sauf que, paradoxalement, en interdisant la « distinction selon la race », la Constitution pouvait en creux légitimer ces mêmes discours racistes.
François Hollande s’était engagé, lors de la campagne présidentielle en 2012, à supprimer le mot, mais la révision constitutionnelle voulue n’a jamais eu lieu, faute de majorité. A l’époque, la droite avait critiqué cette idée.
Si la droite a cette fois voté en faveur de la nouvelle mouture de l’article 1er, Philippe Gosselin a souligné que ce changement sémantique ne devait pas « conduire à baisser la garde pour lutter contre la racisme ». Même bémol des députés La France insoumise Eric Coquerel et Danièle Obono, qui auraient préféré maintenir une expression comme « prétendue race ».
Nicole Belloubet ne voit pas de risque, puisqu’il y de « nombreux filets de sécurité qui demeurent ». Elle a rappelé que « le mot race subsistera dans le préambule de 1946, qui figure dans notre bloc de constitutionnalité », ainsi que dans plusieurs normes internationales qui interdisent les distinctions fondées sur l’existence de prétendues races.
(Avec AFP)