Plusieurs dizaines milliers de personnes ont manifesté ce mardi 5 février en France, à l’appel principalement du syndicat CGT. Parmi elles, des « gilets jaunes », mouvement qui considérait jusqu’à présent les syndicats avec méfiance.
Ils se sont longtemps toisés du regard. Mais « gilets jaunes » et représentants syndicaux ont fini par se parler. A l’image de Jean-Philippe, fonctionnaire à la retraite et encarté CGT. Lors de la manifestation de ce mardi à Paris, il portait son badge rouge sur sa chasuble jaune. « Samedi, j’étais avec un retraité de la SNCF qui a fait toutes les grèves pour défendre le service public, raconte-t-il. On était d’accord à peu près sur tout : il faut un vrai changement dans ce pays. »
Mais comment ce rapprochement s’est-il opéré ? Ludovic Jeanneau, représentant du syndicat Solidaires à La Poste de Perpignan, explique : « Ils se sentaient pour la plupart un peu démunis face aux médias. Ils ne savaient pas parler. Leur cahier revendicatif n’était pas encore étoffé. C’est là qu’ils ont dit qu’ils avaient besoin de nous. » En échange, assure Ludovic Jeanneau, les « gilets jaunes » ont appris aux syndicalistes l’audace. « A tout moment, les « gilets jaunes » peuvent prendre d’assaut une rue, un quartier. Alors que nous, avant de prendre cette décision, il va falloir en parler… »
Dans les cortèges, les revendications étaient nombreuses : hausse des salaires, justice fiscale, droit de manifester, défense du service public, opposition à l’augmentation des frais d’inscription des étudiants et à la réforme du lycée, prévue pour la rentrée prochaine.
Les professeurs contre la réforme du lycée
A Paris, plusieurs dizaines de professeurs étaient ainsi venus de toute l’Ile-de-France pour faire entendre leur mécontentement. « (La réforme du lycée) va accroître les inégalités entre les établissements, entre les élèves d’un même établissement. Elle propose de faux choix aux élèves à un moment où ils ne sont pas encore capables de choisir leur orientation professionnelle », reproche Samuel Mingut, enseignant à Sartrouville (Yvelines).
Professeure de français dans un lycée en Seine-et-Marne, Estelle Jacobi revendique quant à elle de meilleures conditions de travail. « On est nombreux à passer déjà nos week-ends et nos vacances à corriger des copies. Viendra un moment où on ne le fera plus. Ce qui veut dire qu’on va avoir des exigences qui vont diminuer. On ne voit pas comment on peut former aussi bien qu’avant des élèves si on ne nous donne pas les moyens de le faire », critique-t-elle.
Selon la CGT, ils étaient 30 000 manifestants à Paris ; 18 000 d’après la préfecture de police et 14 000 selon le cabinet Occurrence, mandaté par un collectif de médias. En France, toujours selon la CGT, 300 000 personnes ont manifesté. « Aujourd’hui, c’est un succès qui en appelle d’autres », s’est réjoui le secrétaire général du syndicat Philippe Martinez.
La CFDT, elle, a choisi une toute autre stratégie. Elle a hésité à participer aux manifestations. Mais finalement, celui qui est désormais le premier syndicat de France public-privé confondus préfère un dialogue avec le gouvernement. Un dialogue sans complaisance. Laurent Berger sera mercredi 6 février à Matignon chez le Premier ministre pour faire le point sur le «grand débat». Mais ce qui l’intéresse surtout, c’est la suite. Laurent Berger veut des résultats, veut un «Grenelle du pouvoir de vivre», avancer sur l’assurance-chômage, sur les retraites. Des dossiers retardés par la crise des gilets jaunes.