G20 d’Osaka: une chance de réformer l’OMC?

C’est un chantier maintes fois évoqué mais jamais entrepris. Ce vendredi, à Osaka au Japon, les membres du G20 doivent discuter de la réforme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Une tâche d’autant plus urgente que les tensions commerciales ont encore affaibli l’institution régulatrice du commerce. Son « organe d’appel » (sorte de cour suprême qui règle les différends entre États membres) est en sursis faute de renouvellement de ses juges.

L’OMC court un risque « existentiel ». Voilà le refrain entendu sur toutes les bouches ces derniers mois. Politiques, diplomates, représentants des entreprises s’inquiètent du sort de l’institution née en 1995 sous l’appellation GATT et destinée à faciliter et réglementer le commerce mondial. Ces velléités ne sont pas nouvelles mais elles ont été mises à l’épreuve par la nouvelle donne politique.

Depuis que Donald Trump est arrivé à la Maison Blanche, il a décidé d’agir de manière brutale pour résoudre ses différends commerciaux avec ses « partenaires ». À coup de droits de douane supplémentaires, imposés à la Chine notamment.

Un organe d’appel vidé de ses juges…

Une boîte de Pandore s’est ouverte. Et au moment où les États auraient le plus besoin d’elle, l’OMC se retrouve plus fragilisée que jamais. C’est le cas en particulier de son organe d’appel, sorte de « cour suprême du commerce mondial » composée de sept juges.

Faute de renouvellement, ils ne sont plus que trois (le minimum pour statuer), et deux verront leur mandat s’achever en fin d’année. Autant dire que les magistrats ne pourront bientôt plus juger les nombreux dossiers qui s’empilent avec la montée des tensions commerciales.

En cause, le veto américain qui dénonce ainsi le fonctionnement de l’institution. Il n’est pas nouveau. Barack Obama a initié cette bataille contre l’organe d’appel dont Washington estime qu’il statue régulièrement contre les États-Unis, en particulier sur les mesures anti-dumping américaines. Donald Trump n’est pas encore allé jusqu’à mettre sa menace à exécution et retirer les États-Unis de l’institution que le pays a contribué à créer.

… tandis que les dossiers s’empilent

Mais la perspective de voir dépérir un des rares rouages fonctionnels de l’OMC, son organe de règlement des différends, inquiète.

« Le système de l’OMC et du multilatéralisme arrive un petit peu à son terme », souffle Jean Bizet, sénateur français qui a co-rédigé un rapport sur la réforme de l’OMC en 2018. Tout le monde est d’accord sur le fait qu’il faut remettre à plat ce système », poursuit-il.

Preuve que les États ont cessé de négocier et sont plus enclins à l’affrontement, les conflits portés devant l’OMC n’ont jamais été aussi nombreux. Si plusieurs pourraient trouver leur issue d’ici la fin de l’année, l’attitude américaine a mis le doigt sur les dossiers qui fâchent.

La question essentielle est qu’au fil des années, nombreux sont les pays qui ont fini par s’affranchir des règles multilatérales. À commencer par la Chine contre qui Donald Trump a sonné la charge. Dix-huit ans après son adhésion à l’OMC, Pékin concentre les reproches sur des pratiques commerciales déloyales qui lui sont attribuées. Transferts forcés de technologie pour les entreprises étrangères, subventions d’État déguisées pour protéger ses champions nationaux, enfreignent les règles de base de l’OMC.

Mais l’organisation n’est pas outillée pour définir précisément les subventions publiques et établir des mécanismes imposant la transparence sur les subventions, qui sont loin de ne concerner que la Chine.

L’échec du cycle de Doha

Les « pays les moins avancés », eux, craignent des réformes qui ne feraient que retarder leur développement.

L’Union européenne – appuyée par les États-Unis notamment – a fait des propositions sur les subventions et pour une réforme de l’organe d’appel qui doivent répondre aux inquiétudes des États-Unis. Mais plusieurs acteurs soulignent que la règle du consensus des 164 États membres n’est pas le moindre des obstacles aux réformes.

Une illustration jusqu’à l’absurde est le cycle de Doha lancé en 2001 pour négocier le développement des pays les moins avancés et les faire accéder aux marchés des pays riches. Un échec cuisant.

Par ailleurs, l’établissement de normes multilatérales sur l’e-commerce ou sur le règlement des différends entre investisseurs et États, la prise en compte des investissements directs dans la chaîne de valeur ou encore la lutte contre la pauvreté ou le réchauffement climatique : tout cela manque à l’OMC qui n’a plus créé de normes depuis sa fondation.

L’OMC dépassée, les États font leurs lois

C’est désormais entre États et blocs d’États que se négocient les règles et normes commerciales. À l’image de l’accord de partenariat économique UE-Japon entré en vigueur cette année.

En décembre dernier, les dirigeants du G20 s’étaient donné rendez-vous à Osaka pour relancer le projet de réforme, avec l’Union européenne en pointe.

Entre temps, le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine a atteint un tel degré d’intensité que presque tout dépendra de l’issue de la rencontre entre Donald Trump et son homologue Xi Jinping, annoncée samedi.

Rfi