Les « gilets jaunes » manifestent à nouveau partout en France pour le troisième samedi consécutif. A Paris, où un rassemblement est prévu sur les Champs-Elysées, la sécurité sera considérablement renforcée.
A Paris, le rassemblement des gilets jaunes devrait avoir lieu sur les Champs-Elysées en début d’après-midi. Mais cette fois, avant d’arriver sur la célèbre avenue, les participants seront fouillés et leur identité contrôlée. L’avenue sera fermée à la circulation automobile et réservée aux piétons.
A l’intérieur du périmètre, sous haute sécurité, chacun pourra manifester mais sans pancartes qui auront été confisquées par la police pour éviter qu’elles ne deviennent des projectiles. Le gouvernement veut à tout prix éviter les scènes d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre de la semaine dernière. Les magasins de l’avenue devraient être nombreux à rester ouverts – préparatifs de Noël oblige –, mais avec un nombre de vigiles renforcé.
Au moins 4 000 policiers devraient être mobilisés, contre 3 000 la semaine passée. Parmi eux, 26 compagnies de CRS sur les 60 que compte la France. Jamais Paris intra-muros n’aura été autant protégé depuis le 11 janvier 2015, lorsque des chefs d’Etat du monde entier étaient venus rendre hommage aux victimes des attentats qui venaient d’être perpétrés dans la capitale.
Des rassemblements en région
Didier, lui, ne se rendra pas à Paris. Pour des raisons de coût, mais pas seulement. « Mon mécontentement, il doit être exprimé de chez moi. Si chacun se mobilisait chez soi, ce serait la meilleure des solutions », estime cet employé d’usine de 53 ans. Plutôt que de venir manifester dans la capitale, il restera donc chez lui, à Bayeux, en Normandie. « Il faut se mobiliser pour se rendre compte de la tristesse », dit-il. Et notamment des fins de mois difficiles, lui qui, après 30 ans de métier, ne gagne que 1 300 euros par mois.
Pour Christophe, de Montauban, il est important de montrer que le mouvement perdure en province. Cette nouvelle journée de mobilisation devrait notamment être l’occasion de mener des actions gratuites au niveau des péages d’autoroute.
Plusieurs rassemblements sont ainsi prévus en région. C’est le cas à Bordeaux où le préfet a pris un arrêté pour interdire les manifestations dans le centre de la ville. Des rassemblements sont aussi prévus à Brest ou encore à Lille, où c’est un militant La France insoumise qui appelle à se mobiliser. Plus original, à Montpellier, une manifestation aura lieu, mais de nuit, organisée par les motards jaunes.
Enfin, dans certains départements, les « gilets jaunes » pourraient se joindre aux militants de la CGT qui appellent depuis dix jours à une grande mobilisation pour la justice sociale ce samedi. Difficile en revanche de savoir si des blocages routiers auront lieu. Cyril Dupuis, gilet jaune à Nemours, explique le dispositif prévu dans la localité : « Il y a une équipe qui va à Paris, ceux qui veulent, et nous on va rester sur Nemours et on va faire une action journée noire. Pas de blocage, mais de filtrage. Et de l’infomation : on va donner un tract. On a vu l’évolution des automobilistes car on filtre depuis douze jourset ils viennent d’eux-mêmes, ils nous aident. Ceux qui vont à Paris demain, je pense que ça va être pour en découdre parce qu’ils en ont marre. Moi je prendrai pas le risque d’aller sur Paris. J’ai peur des violences, j’ai 46 ans, mon casier est vierge et j’ai envie qu’il le reste. »
Le gouvernement sur la corde raide
Cette nouvelle journée de mobilisation intervient au lendemain d’une rencontre entre le Premier ministre Edouard Philippe et des représentants des gilets jaunes. Alors qu’ils étaient huit à avoir été désignés, seuls deux d’entre eux se sont présentés au rendez-vous, dont l’un est reparti presque aussitôt.
Le chef du gouvernement a eu beau essayer de positiver en venant s’exprimer, tout sourire, sur le perron de Matignon en évoquant un débat « intéressant », « utile », cette rencontre avec seulement deux gilets jaunes a été un échec. Elle a montré l’incapacité du chef du gouvernement à trouver des interlocuteurs pour engager un dialogue. Ce qui n’est pas de bon augure pour la suite de la concertation qu’il doit mener dans les trois prochains mois à la demande d’Emmanuel Macron.
Bien sûr, pour manifester sa bonne volonté, le Premier ministre a affirmé que sa porte restait ouverte. Une communication qui vise l’apaisement mais qui ne s’accompagne pas de propositions concrètes qui repondraient aux demandes des gilets jaunes. Par exemple, un moratoire sur la hausse des taxes sur le carburant comme l’ont suggéré des syndicalistes et François Bayrou. Ou une autre mesure emblématique sur le pouvoir d’achat.
Cette difficulté du gouvernement à appréhender un mouvement populaire sans réels représentants et à répondre aux revendications exprimées n’a pas échappé à l’opposition. La gauche évoque le dépôt d’une motion de censure, la droite la dissolution de l’Assemblée. Entre des « gilets jaunes » dont la mobilisation ne semble pas faiblir, des Français qui les soutiennent et une opposition en embuscade, le gouvernement est sur la corde raide.
rfi