Les réactions en Afrique sont peu nombreuses suite à l’invasion russe de l’Ukraine. Comment l’expliquer, comment l’interpréter ? Emmanuel Dreyfus, chercheur sur les relations Russie-Afrique à l’Irsem, l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire revient sur ces interrogations.
RFI : Comment interpréter le peu de réactions en Afrique suite à l’invasion russe en Ukraine ?
Emmanuel Dreyfus : Je l’interprète avant tout par le fait que les événements tragiques qui se déroulent sur le territoire ukrainien ne constituent pas nécessairement une priorité de politique étrangère pour les pays du continent africain. Et je pense que c’est avant tout selon ce prisme que l’on peut comprendre l’absence relative de réactions par rapport à cette actualité.
L’Union soviétique a accompagné un certain nombre de pays africains après les indépendances. Aujourd’hui il y a aussi des alliances fortes, économiques ou militaires, sur le contient, avec Moscou. Est-ce qu’il y a aussi une forme de reconnaissance, ou de prudence de la part de ces pays africains ?
Alliances fortes, le terme est peut-être un peu fort. Il y a des relations de plus en plus poussées qui sont en train de se développer entre la Russie et certains pays d’Afrique subsaharienne. Bien évidement, la République centrafricaine. Je pense plus récemment aux relations qui sont en train de se nouer entre Moscou et la junte militaire au Mali. Et évidemment pour ces pays-là précisément, l’absence de réactions est aussi liée aux relations bilatérales avec Moscou.
Dans ces pays justement, la Centrafrique et le Mali, la Russie est présentée par les autorités comme un nouveau partenaire stratégique, défenseur de la souveraineté nationale contre l’ancien colonisateur français. Est-ce que le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine pourrait remettre ce statut en question, changer la perception de la Russie ?
Je n’en suis pas foncièrement convaincu parce qu’encore une fois ce qu’il se passe en Ukraine n’est pas forcément la préoccupation première des opinions publiques concernées. Mais il faudra voir dans le temps. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que l’un des argumentaires de Moscou – et pas que vis-à-vis du continent africain, c’est un argumentaire récurrent dans la politique étrangère de la politique étrangère russe – c’est de défendre la souveraineté des États. Et en l’occurrence, la souveraineté est complètement bafouée, pour évidemment ne pas dire autre chose. Et donc cela va rajouter des contradictions supplémentaires dans le discours de politique étrangère russe. Et j’ai envie de dire que ce n’est pas la première fois que ça arrive. Et l’on n’est pas à une contradiction près.
RFI