La justice ivoirienne a précisé jeudi ses accusations contre Guillaume Soro : l’ex-chef de la rébellion et candidat à la présidentielle de 2020 préparait selon elle « une insurrection civile et militaire » pour s’emparer « incessamment » du pouvoir. Des accusations balayées par sa défense.
L’ancien président de l’Assemblée nationale (2012-2019) devenu opposant, qui devait rentrer lundi en Côte d’Ivoire mais qui a dérouté son avion pour retourner en Europe, préparait « un complot » en deux parties : d’abord une opération de communication à l’étranger pour « jeter le discrédit sur le régime » ivoirien, puis « une insurrection civile et militaire », a affirmé le procureur de la République d’Abidjan Richard Adou lors d’une conférence de presse retransmise en direct à la télévision publique.
Ces accusations s’appuient en particulier sur un enregistrement sonore effectué par les services de renseignement ivoiriens, selon le procureur, qui a été diffusé pendant la conférence de presse. On y entend deux hommes dialoguer, dont M. Soro. Il n’a pas précisé où, ni quand, ni comment il a été réalisé, se retranchant derrière le secret de l’enquête.
Selon M. Adou, des armes ont aussi été découvertes lors de perquisitions, dont il n’a pas précisé les dates et les lieux.
« Nous avons dépassé une quinzaine d’arrestations » de complices, a indiqué le procureur, qui les accuse, comme M. Soro désormais visé par un mandat d’arrêt international, de « complot contre l’autorité de l’Etat », un crime passible de la prison à vie.
Parmi eux, cinq députés pro-Soro ont été arrêtés malgré leur immunité de parlementaires, en vertu d’une procédure de « flagrance », selon le procureur.
Les enquêtes ne font que commencer, a-t-il précisé, évoquant la possible mise en cause de « militaires » dans le « complot ».
M. Soro est aussi accusé de « détournement de fonds publics » et de « blanchiment » pour avoir tenté de s’approprier une résidence dans un quartier chic d’Abidjan, achetée pour 1,5 milliard de francs CFA (2,3 millions d’euros) sur les fonds de l’Etat lorsqu’il était Premier ministre en 2007. Des faits découverts tout récemment, selon le procureur.
– Une ‘opération d’espionnage mal montée’ –
La défense de Guillaume Soro a rejeté en bloc toutes ces accusations « fallacieuses », fustigeant une « opération d’espionnage mal montée par Abidjan », selon une déclaration de l’avocate Affoussiata Bamba-Lamine diffusée sur sa page Facebook jeudi.
Me Bamba-Lamine ne conteste l’authenticité de l’enregistrement audio, mais affirme qu’il « date de 2017 » et qu’il est « incomplet ».
Dans une précédente déclaration mercredi soir, elle dénonçait une « machination » politique : « toute cette entreprise vise à écarter Guillaume Soro de la course à la présidence de la République en 2020 ».
Mardi, Guillaume Soro avait déjà dénoncé sur Twitter « la décision (du pouvoir ivoirien), « dès septembre 2019″, de l' »écarter de la course » à la présidentielle, en raison d’un sondage qui établissait son « avance » dans les intentions de vote.
Après six mois de séjour en Europe, son retour était attendu avec impatience lundi par ses partisans pour lancer sa campagne électorale. Mais les forces de l’ordre ont empêché tout regroupement de ses partisans et donné violemment l’assaut au siège de son parti, Générations et Peuples solidaires (GPS).
Longtemps allié du président Alassane Ouattara, qu’il a aidé à porter au pouvoir pendant la crise post-électorale de 2010-2011, Guillaume Soro s’est ensuite brouillé avec lui, jusqu’à la rupture début 2019, le chef de l’Etat voulant brider ses ambitions présidentielles, selon les observateurs.
Jusqu’à cette affaire, M. Soro, 47 ans, était vu comme un challenger sérieux pour la présidentielle par les analystes politiques, qui le disent populaire, notamment auprès de la jeunesse.
Dans ce qui ressemble fort à un message politique, le président Ouattara a reçu lundi soir au palais présidentiel les anciens « com’zones », les ex-lieutenants de Guillaume Soro dans la rébellion des années 2000, selon plusieurs quotidiens ivoiriens jeudi, qui ont publié la photo de la rencontre.
Dix ans après la crise post-électorale de 2010-2011 qui a fait 3.000 morts, la prochaine présidentielle s’annonce tendue. Les élections municipales et régionales de 2018 avaient été marquées par de nombreuses violences et des fraudes.