Hip hop: Salif Gueye, des rues de Paris à Hollywood Boulevard

Son truc ? Le hip hop. Signe particulier ? Le fameux “moonwalk” de Michael Jackson. Danseur de rue adoubé par des stars hollywoodiennes, Salif Gueye a lâché le bitume parisien pour vivre le rêve américain; et regarde avec ironie l’entrée de la danse au programme olympique en 2024.

“La danse pour moi, c’est le plus beau sport”, lance à l’AFP le streetdancer au physique particulièrement athlétique. “Du moment où tu transpires, c’est du sport, tu brûles des calories, c’est du sport. Et c’est autant de l’art que du sport, on s’exprime avec notre corps donc c’est une expression”.

Voilà qui est dit par ce spécialiste du hip hop, dont l’une des catégories, le breaking (danse au sol), intégrera le programme olympique dans trois ans lors des Jeux de Paris-2024.

Salif est lui un adepte de la danse debout et c’est d’ailleurs en digne représentant de ce style qu’il renoue avec la compétition – le battle – lors du Red Bull Dance Your Style ce week-end à Bordeaux. Avant de repartir pour les Etats-Unis.

C’est “là-bas” qu’il mène la plupart de ses projets depuis qu’une vidéo postée sur les réseaux sociaux en octobre 2018 a viré aux dizaines de millions de vues. Quelques secondes d’un “backslide” (marche à reculons) bluffant dans Paris, aux rythmes enjoués de la chanson “Rock with you” de Michael Jackson.

L’acteur Dwayne Johnson, dit The Rock, partage le post à ses plus de 270 millions d’abonnés sur Instagram, idem pour la superstar de la NBA LeBron James qui inonde ses quelque 100 millions de followers.

– La ferveur américaine –

Le jeune Salif, qui a grandi en banlieue parisienne, à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) et Suresnes (Hauts-de-Seine), est invité sur le célèbre show américain d’Ellen DeGeneres. Will Smith, Bruno Mars, Quincy Jones lui tendent les bras. Tout s’emballe, des maisons de couture françaises le sollicitent aussi pour leurs défilés, sans oublier le DJ David Guetta, et bien d’autres.

“Des fois je me demande: si The Rock n’avait jamais rien fait et que ça ne venait pas des Etats-Unis, ç’aurait juste fait un buzz national et malgré ce buzz je serais toujours en train de galérer, j’en suis persuadé”, dit Salif, formé à l’école de la rue. “Je prenais ma sono et j’y allais tout seul, peu importe qu’il pleuve, qu’il neige”.

Le danseur Salif Gueye lors d'une séance photo, le 28 septembre 2021 à Paris
Le danseur Salif Gueye lors d’une séance photo, le 28 septembre 2021 à Paris JOEL SAGET AFP/Archives

Il choisissait ses spots en fonction du flux des gens; en période scolaire il livrait ses performances les mercredi, vendredi soir, samedi et dimanche. “C’était super compliqué, tous les jeunes étaient en cours, les gens travaillaient dans les bureaux. Mais quand c’était les vacances, franchement c’était cool.”

Il devait composer avec les mécontents, les sans abris, les personnes ivres qui perturbaient ses prestations, les pickpockets. Et les forces de l’ordre.

– L’ironie de Paris 2024 –

“J’évitais les Champs (Elysées) parce qu’ils (les policiers) nous prenaient les sonos, on en a donnés ! Je dis ça parce qu’on les a jamais récupérées !”, raconte Salif. Et il sourit doucement à l’idée de voir les streetdancers devenir olympiens dans la ville qui ne l’a pas soutenu comme il l’aurait voulu.

“C’est ironique un peu. J’ai l’impression que la préfecture de police de Paris ne veut pas d’art urbain. Ils sont là, agressifs, on sait pas pourquoi. Le plus souvent, si on envoie une lettre pour une autorisation de danser à l’Hôtel de Ville, on est sûr de pas avoir de réponse, voire un refus. Pourquoi ? Je sais pas. Pourtant c’est pas comme si on faisait quelque chose de mal, justement on divertit les gens. C’est mieux que de rester à traîner dehors à rien faire”, regrette-t-il encore.

Le danseur Salif Gueye, le 28 septembre à Paris
Le danseur Salif Gueye, le 28 septembre à Paris JOEL SAGET AFP/Archives

“Je trouve ça hypocrite un peu, et dommage. Surtout en France, la danse n’est pas assez valorisée”, glisse l’artiste de 25 ans qui reste “positif” sur l’inclusion du breaking aux JO, avant de replonger dans ses projets américains.

FRANCE 24