Il y a dix ans, l’équipe de football du Togo était attaquée à Cabinda

Deux morts, neuf blessés dont deux graves. Le 8 janvier 2010, alors qu’il se rendait à Cabinda, l’enclave angolaise située entre le Congo-Brazzaville et la RDC, pour y disputer la Coupe d’Afrique, le bus de l’équipe de football du Togo était mitraillé. Une demi-heure sous le feu du FLEC, le Front de libération de l’enclave de Cabinda, un mouvement séparatiste armé. Ce mercredi marque les dix ans de la tragédie et au Togo, on s’apprête à commémorer l’attaque de Cabinda, a minima, pourrait-on dire. Une messe solennelle donnée à Lomé, initiative privée en présence de proches des victimes et c’est à peu près tout. Bien loin de l’onde de choc provoquée à l’époque par l’attaque du bus des Éperviers.

Le 15 janvier 2010, une semaine après le drame, un hommage solennel avait été rendu aux deux tués : Abalo Amélété et Stanislas Ocloo, l’entraîneur-adjoint et le responsable presse de l’équipe. Cérémonie présidée par Faure Gnassingbé car l’affaire était à l’époque remontée jusqu’au sommet de l’État, avec un deuil de trois jours décrété.

Le président de la République avait lui-même ordonné aux joueurs de rentrer au Togo et l’avion de la présidence avait été envoyé en Angola dans ce but. Une ingérence politique mal vue par la CAF, loin de réaliser l’ampleur du drame. Drame qui, avait changé la face de la CAN 2010.

« La réaction des autorités angolaises a été immédiate, se souvient Frédéric Suteau, l’envoyé spécial de RFI, qui devait suivre le groupe B, basé à Cabinda. Avec l’armée qui s’est déployée, les hélicoptères qui survolaient la ville, des barrages de l’armée installés un peu partout. Car même s’ils ne voulaient pas le dire officiellement, le chef de l’État de l’époque était très inquiet qu’il puisse y avoir d’autres attaques sur cette enclave de Cabinda. Les indépendantistes du FLEC avaient auparavant mené une guérilla très dure. On a bien senti tout de suite qu’ils voulaient contrôler la situation et on s’est retrouvés très vite dans un climat de guerre civile. Même s’il n’y a pas eu d’autres incidents, il était très difficile de sortir de l’hôtel où nous nous trouvions. »

Le problème des indemnités

L’heure n’était donc plus au football pour les Togolais qui déplorent, dix ans après, de ne pas avoir été considérés à la juste valeur du drame qui les a frappés. Par la Confédération africaine de football d’abord qui leur reprochait de ne pas avoir respecté les consignes de sécurité, qui imposaient aux équipes de venir en avion et non en bus à Cabinda. Des instructions qu’Hubert Velud, alors sélectionneur des Éperviers, jure encore 10 ans qu’elles ne lui ont jamais été données.

Et puis, il reste aussi le problème des indemnités pour les victimes et leur famille. Seul Kodjovi Obilalé, le gardien de but, le plus gravement blessé dans l’attaque, a perçu de l’argent : 72 000 euros émanant de la FIFA. Dossier complexe assure-t-on sur place.

L’une des difficultés étant de savoir qui doit payer les victimes : l’État Angolais ? La Fédération Togolaise ? La CAF ? Ou les assurances ? Toujours est-il que, comme d’autres victimes, Hubert Velud l’ancien sélectionneur des Eperviers rit jaune à l’évocation des promesses d’indemnisation qui lui avaient été faites après l’attaque.

« On nous en avait beaucoup parlé à l’époque mais depuis, on n’a rien vu, rien du tout, déplore-t-il. Celui qui est le mieux placé pour en parler, c’est Obilalé. Parce que, lui, il est handicapé. C’est plus grave pour lui que pour nous parce que nous pouvons encore travailler, lui, il n’a pas pu continuer le football… »

« J’ai ma petite vie »

Kodjovi Obilalé, devenu malgré lui le symbole du drame de Cabinda, se déplace toujours en béquilles. Handicapé à vie, l’ancien pensionnaire de Pontivy a renoncé au football professionnel, il se consacre désormais à des projets dans l’agriculture au Togo.

Il remarque aussi que l’attaque de Cabinda n’a pas soudé les joueurs togolais. C’est en tout cas le constat qu’il dresse 10 ans après. « J’ai des contacts via Instagram, on s’écrit vite fait… On demande après la famille, après les enfants mais on n’a jamais évoqué ce sujet. Je n’ai pas de contact avec un coéquipier, que j’appelle tout le temps. Le temps passe, ça fait bientôt dix ans, j’ai ma petite vie, ils ont leurs petites vies. Tout le monde est dans ses occupations… »

Kodjovi Obilalé qui se réjouit malgré tout que le bureau directeur de la CAF dirigé par Ahmad ait pris en compte ce qu’il a vécu. Il a d’ailleurs reçu un prix spécial lors de la cérémonie des CAF Awards qui s’est déroulée mardi 7 janvier à Hurghada en Égypte. Une première reconnaissance, tardive, mais qui a le mérite d’exister.