Inde: malgré la contestation, Narendra Modi défend la loi sur la citoyenneté

Lors d’un grand meeting politique qui marque le début de la campagne pour les élections régionales à New Delhi, le Premier ministre indien a défendu, ce dimanche 22 décembre, la nouvelle loi controversée sur la citoyenneté.

Avec notre correspondant à New Delhi, Antoine Guinard

Le Premier ministre Narendra Modi s’est adressé ce dimanche 22 décembre devant plusieurs milliers de ses sympathisants dans le centre de la capitale indienne. Il a notamment défendu la loi controversée sur la citoyenneté contre laquelle des centaines de milliers d’Indiens manifestent depuis près de deux semaines. Devant une foule conquise d’avance, il a notamment accusé l’opposition de répandre des mensonges.

« La jeunesse musulmane manipulée par l’opposition »

« Nous ne dépouillons aucun citoyen de ses droits ! », a lancé Narendra Modi devant la marée humaine de sympathisants venus assister au rassemblement en milieu de journée. Le Premier ministre indien a assuré que les deux nouvelles lois sur la citoyenneté défendues par son parti nationaliste hindou ne visaient pas la communauté musulmane.

Gautam Chauhan, présent au rassemblement et fervent soutien à Narendra Modi, se fait l’écho des propos du Premier ministre. « La jeunesse musulmane a été manipulée par l’opposition, soutient-il. Aujourd’hui, Modi a expliqué que ces nouvelles lois visaient à donner la nationalité et jamais à la retirer ! »

C’est un peuple, une communauté qui est droit au mur et qui cette fois sort de ses gonds, mais il ne faut surtout pas considérer que la communauté musulmane est la seule à sortir dans la rue.

Vijender Chaudhury, un opticien, est venu assister au rassemblement, écharpe autour du coup et aux couleurs du BJP (Bharatiya Janata Party), le parti de Narendra Modi. Le registre national de citoyen est l’autre loi contestée sur la citoyenneté que le gouvernement a mis en place dans l’Assam, un État à l’est du pays, et veut instaurer sur tout le territoire. Vijender ne voit aucune raison de s’y opposer car ce registre n’est pas d’actualité.

« Le gouvernement indien n’est pas prêt à faire quoi que ce soit avec ce registre de citoyen, relativise-t-il. Cela reste un plan pour l’avenir, à l’heure qu’il est. »

Narendra Modi et le BJP ne reculent pas devant la vague de manifestations qui secouent l’Inde depuis deux semaines. S’il excelle dans l’art de s’adresser a ses sympathisants, le Premier ministre n’a toujours pas donné de conférence de presse, malgré l’embrasement de la violence depuis l’adoption de cette loi.

Une loi contraire au principe de laïcité pour les opposants

Les opposants à cette loi restent eux tout ainsi convaincus qu’il faut la combattre. Étudiants, retraités, avocats ou intellectuels, de confession sikhe, musulmane ou hindoue, c’est une mosaïque hétérogène et multiconfessionnelle qui bat le pavé depuis près de deux semaines à travers l’Inde. Tous protestent contre une loi qu’ils dénoncent comme anti-constitutionnelle, car contraire selon eux, au principe fondamental de laïcité en Inde.

« Il y a toujours la possibilité de renverser cette loi et j’espère que ces démonstrations de forces à travers le pays montrent au gouvernement et à la Cour suprême que c’est ce que veut le peuple », estime Samia Syed, présente à une grande manifestation à New Delhi la semaine dernière.

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D’autres manifestants, comme l’avocat Gautam Bahn, pointent les dangereuses dérives que pourraient engendrer les nouvelles lois sur la citoyenneté. Il exhorte le gouvernement à écouter le peuple.

« Tout exercice consistant à faire des listes est en soi un processus qui vise à rendre illégitime la citoyenneté, insiste-t-il, car c’est désormais au citoyen de prouver qu’il est en règle. On a déjà vu ça avec les lois anti-terroristes. Et je pense qu’il est encore temps pour un gouvernement qui se revendique du peuple, d’écouter les gens qui sont descendus dans la rue. »

Différentes théories circulent [à propos des manifestations massives]. Une de ces théories est que le gouvernement serait un peu dépassé par les événements qui échappent à leur contrôle. D’autres théories plus cyniques consistent à penser que le BJP, Narendra Modi et le ministre de l’Intérieur Amit Shah cherchent à nourrir ces situations de tension pour les convertir en avantages électoraux.

rfi