La promesse d’englober quasiment un tiers de la Cisjordanie dans le giron d’Israël à une semaine d’un scrutin serré… comment apprécier cette annonce, hier, mardi 10 septembre, du Premier ministre israélien ? Calcul électoraliste diront certains : Benyamin Netanyahu cherche à rassembler toutes les voix de droite et promet en cas de victoire d’annexer la vallée du Jourdain, pan stratégique de la Cisjordanie occupée. La presse, ce matin, commente évidemment cette déclaration, mais ne manque pas non plus de revenir sur ce qui s’est passé quelques heures plus tard après cette annonce.
Avec notre correspondant à Jérusalem,Michel Paul
À la Une de tous les journaux, ici, ce matin, il y a exactement la photo que Benyamin Netanyahu aurait voulu éviter. On y voit le Premier ministre israélien exfiltré d’un meeting politique par son service de protection rapprochée dans la ville d’Ashdod dans le sud d’Israël après une alerte aux missiles. « Une image forte qui restera dans la mémoire collective », estime un éditorialiste, quelques heures seulement après l’annonce qualifiée de dramatique de l’intention d’annexer la vallée du Jourdain au lendemain des élections et en cas de victoire.
Propos semblables à la veille de la précédente consultation
Une promesse que de nombreux commentateurs ne prennent pas au sérieux. On rappelle que Netanyahu avait tenu des propos semblables à la veille de la précédente consultation. Une promesse de plus, résume un éditorialiste. « Mauvaise journée pour Netanyahu », souligne un autre commentateur en raison surtout du limogeage de John Bolton, le conseiller de sécurité américain très proche du Premier ministre israélien et opposant farouche à tout rapprochement avec Téhéran.
Les éditorialistes de droite parlent d’un changement du cours de l’histoire : Benyamin Netanyahu a réussi à annexer l’ordre du jour, souligne l’un d’entre eux. « À 6 jours des élections, l’hystérie est de retour », titre un quotidien. « Bibi » reste seul face aux enquêtes pour corruption menées contre lui, les frasques de son épouse Sarah et les tweets controversés de son fils Yair qui a qualifié la semaine dernière, Yitzhak Rabin « d’assassin de rescapés de la Shoah » qui se trouvaient à bord du navire de réfugiés Altalena. Et, autre coup dur pour Netanyahu : Benny Begin, le fils de Menahem Begin, le fondateur du parti Likoud, qui annonce, « je ne voterai pas pour ce parti ».
En cause, la « culture de l’impunité » autour d’Israël
Pour Xavier Abu Eid, conseiller de l’équipe de négociation palestinienne, cette annonce est propre à la « culture de l’impunité qui s’est créée autour d’Israël. (…) Ce que demande Netanyahu, c’est un mandat de l’électorat israélien lui permettant de commettre un nouveau crime en violation du droit international. L’annexion de facto est une réalité que nous vivons tous les jours. On le voit bien à Jérusalem, en Syrie ou sur les hauteurs du Golan. Concrètement, le problème est que nous avons un gouvernement israélien et une coalition gouvernementale qui ont de grandes chances d’être reconduits. Or, ils sont opposés aussi bien au processus de négociation qu’à l’idée d’une solution à deux États. Ils annoncent une série de mesures en faveur de l’annexion des territoires. »
« Il ne s’agit donc pas d’une situation qui peut être déconnectée de ce qui se passe à Jérusalem ou ces jours-ci à Bethléem par exemple, poursuit Xavier Abu Eid. Les actions entreprises sur la base d’une annexion accrue des territoires sont une réalité. Et l’on s’aperçoit que cela ne devrait pas être considéré uniquement comme une question électorale. Cela va au-delà. C’est pour cela que les partisans d’une solution à deux États et du respect des résolutions de l’ONU doivent réagir ».
« Populisme et démagogie »
« C’est du populisme et c’est de la démagogie, pour le politologue franco-israélien Ofer Bronchtein. Je pense qu’une grande partie du public israélien croit encore, et tous les sondages le disent depuis déjà 25 ans d’une façon permanente, à la solution des deux États ; cela ne peut pas se faire d’une façon unilatérale. (…) Si par malheur, ça se fait, ça veut dire qu’Israël a décidé d’aller vers l’apartheid. Et c’est quelque chose de tragique pour l’avenir de l’État d’Israël. Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est réconforter sa base électorale de droite et d’extrême droite pour empêcher que des petits partis d’extrême droite lui volent des votes. »