Icône d’une Europe plus humaniste ou complice de trafiquants de migrants ? Carola Rackete ne laisse personne indifférent. Dans la nuit du 28 au 29 juin, la capitaine du Sea-Watch 3 défie le gouvernement italien et accoste de force dans le port de Lampedusa pour mettre en sécurité 40 migrants. Accusée d’aide à l’immigration clandestine, la navigatrice allemande sera entendue ce jeudi 18 juillet par un tribunal en Sicile.
Les images de son entrée dans le port de Lampedusa avaient fait le tour du monde. Matteo Salvini a beau la traiter de « criminelle », « d’emmerdeuse » ou encore de « petite frimeuse », celle que la presse allemande appelle « Capitaine Europe » reste droite dans ses bottes, comme si ces insultes glissaient sur elle sans jamais l’atteindre.
« Ce n’est pas la peine de rajouter à l’escalade verbale. Je trouve ces insultes déplacées. Je préfère me baser sur des faits. Et puis, c’est justement cela, la qualité d’une capitaine de bateau : de ne pas s’énerver, en tout cas pas en public ! », a déclaré Carola Rackete. Elle se trouve encore en Sicile, dans un lieu secret pour échapper aux menaces dont elle est la cible. C’est là qu’elle s’est confiée à la télévision allemande.
« J’attends un verdict qui fera date »
Le visage doux, mais le regard déterminé et le verbe haut, la militante aux longues dreadlocks dit ne rien regretter : « Je pense que ce que nous avons fait était juste, déclare-t-elle. Ce qui compte, c’est que nous ayons sauvé 53 personnes en tout. Maintenant, j’attends un verdict qui fera date et qui dira clairement que la vie de ceux que nous avons sauvés est plus importante que la souveraineté des États sur leurs eaux territoriales. Cela donnerait à nouveau l’accès à des ports sûrs. »
Hugo Grenier mène le même combat que Carola Rackete. L’infirmier a déjà navigué sous ses ordres sur un bateau de l’ONG Sea-Watch et repartirait avec elle sans hésiter : « C’est une personne qui est très droite et très sérieuse dans ce qu’elle fait. Le sauvetage en mer, c’est quelque chose qui est dangereux en soit, ce sang-froid est nécessaire », estime-t-il.
Instrumentalisation par Matteo Salvini
La navigatrice chevronnée, habituée à piloter des brise-glaces dans les eaux polaires, l’affirme volontiers : elle s’est sentie abandonnée par des dirigeants européens indifférents, selon elle, à la détresse des migrants : « Pendant deux semaines, nous nous sommes heurtés à un mur de silence. L’Italie, Malte et puis aussi la France ont refusé de nous accueillir. Quelques migrants menaçaient de se jeter par-dessus bord, d’autres voulaient entamer une grève de la faim. Nous ne pouvions plus garantir la sécurité à bord. »
Pour les défenseurs des migrants, c’est une héroïne. Mais 60% des Italiens voient en Carola Rackete une délinquante au service d’une immigration incontrôlée. Matteo Salvini a-t-il donc tiré profit de sa fermeté vis-à-vis de l’humanitaire allemande ? Oui, selon le politologue Christophe Bouillaud qui estime que « cette instrumentalisation est tout à fait claire » : « C’est un discours de haine qui correspond très bien à Matteo Salvini […] Il y a une volonté de l’État italien, qu’il incarne, de ne plus accueillir sur son sol des immigrés clandestins. »