« Joe Biden et les illusions commerciales européennes »

La taxe GAFA, revue et corrigée par l’OCDE, pourrait in fine pénaliser l’industrie du luxe, fleuron de l’économie française, explique, dans sa chronique, le correspondant du « Monde » à New York, Arnaud Leparmentier.
Chronique. On ose à peine le susurrer aux Européens : préparez-vous à être déçus au cas où Joe Biden entre à la Maison Blanche. Certes, ils reverraient un visage familier, celui du vice-président de Barack Obama. C’en serait fini des insultes et moulinets, qui furent le lot de Donald Trump depuis quatre ans. « Nous devons mettre fin à une guerre commerciale artificielle que l’administration Trump a déclenchée », a déclaré l’un des principaux conseillers de M. Biden, Tony Blinken.

Mais ce dernier de pointer aussitôt « un problème objectif » : le « déséquilibre persistant et croissant dans le commerce des produits agricoles en raison de règles qui nous empêchent de vendre des produits là où nous sommes très compétitifs ». Ainsi, la querelle agricole menace de nouveau. L’affaire est un casus belli, les Européens ne voulant pas de poulet au chlore ou d’OGM.

Le deuxième sujet porte sur le conflit Airbus-Boeing, qui va s’envenimer dès que les Européens pourront imposer des taxes à Boeing pour subventions indues dans la foulée d’un jugement de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) attendu bientôt. L’administration Obama-Biden n’avait pas vidé cette querelle en son temps. M. Biden, qui a mis en sourdine ses vieilles convictions libre-échangistes pour récupérer l’électorat blanc ouvrier, le fera-t-il alors que Boeing est au plus mal ? On peut en douter.

Doubler la taxation des profits étrangers
A cela s’ajoute le sujet le plus brûlant : la taxation des multinationales, notamment celles du numérique. La France risque de se voir infliger des droits de douane sur les produits de luxe en janvier 2021, en représailles à sa taxe GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) qu’elle a cru bon d’imposer quand les Américains ont quitté en juin la table des négociations, censées instaurer une taxe sur le chiffre d’affaires de ces géants, à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Sera-t-elle sauvée par un président Biden ? Rien n’est moins sûr.
D’abord, l’administration Obama-Biden n’avait pas bougé d’un iota sur ce sujet, et combattu violemment la taxation d’Apple en Irlande, imposée par la Commission européenne. Ensuite, Donald Trump a opéré en la matière une petite révolution, passée inaperçue : les Etats-Unis ont comblé les trous qui permettaient à leurs multinationales de ne pas payer d’impôts. Jusqu’en 2017, les entreprises américaines étaient imposées sur leurs profits mondiaux, mais cette réglementation était un gruyère, qui permettait de ne pas payer d’impôt à condition de loger ses bénéfices à l’étranger, comme en Irlande.

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