Jour-J au Royaume-Uni: Londres se prépare à voir «Boris» à Downing Street

Le nom du successeur de Theresa May à la tête des Tories – et donc, du gouvernement britannique – doit être dévoilé ce mardi 23 juillet. Beaucoup d’attentes mais pas beaucoup de suspense. Tout le monde à Londres semble résolu à l’idée de voir le trublion Boris Johnson accéder au 10, Downing Street.

Qui de Boris Johnson ou Jeremy Hunt pour prendre les rênes du Royaume-Uni ? On attend ce mardi le résultat de la course à la succession de Theresa May. Un scrutin interne au Parti conservateur, qui a opposé l’ancien et l’actuel chef de la diplomatie britannique. Et c’est le tonitruant ancien maire de la capitale, Boris Johnson, qui est donné ultra-favori à défaut de rassurer son monde.

Rues piétonnières soignées et accueillantes, Uxbridge est une lointaine banlieue cossue située à l’ouest de Londres. L’ambitieux M. Johnson a réussi à se faire élire là-bas en 2015 avec une courte majorité. Mais l’homme à la tignasse blonde et au verbe haut n’y fait notoirement pas l’unanimité non plus, et les habitants de sa circonscription sont eux-mêmes réticents à donner leur opinion sur leur député.

« Pas le temps ! » ; « désolée, je dois y aller ! », s’entend répondre notre correspondante, Muriel Delcroix, en tendant son micro pour parler de Boris Johnson. Et ceux qui auront accepté de parler l’auront fait avec précaution, comme ce passant, qui confie que le député assiste régulièrement à ses permanences, pour aussitôt préciser qu’il ne fait confiance à « aucun des candidats »

Uxbridge: micro-trottoir dans la circonscription de Boris Johnson23/07/2019 – par Muriel Delcroix

« Je sais qu’il fait des gaffes tout le temps, mais il me fait rire, parfois »

Même les partisans de l’ancien maire de Londres ne sont pas absolument sous le charme. « C’est le moins pire d’un très mauvais lot, estime une riveraine. Il vient très souvent ici, il demande aux gens ce qu’ils veulent et ça montre que peut-être il écoutera… » Mais d’autres résidents sont carrément ambivalents, traduisant que si Boris Johnson exerce un certain magnétisme, il n’inspire pas confiance.

Ainsi, cette femme, qui confie : « Il me fait rire, parfois. Je sais qu’il fait des gaffes tout le temps, et ça fait un peu peur quand on pense à Boris Premier ministre, mais je crois qu’il réussira le Brexit. » Et d’enchaîner par une formule qui dit à la fois tout et rien du fond de sa pensée : « Vous savez ce qui va arriver ? Trump et Boris au pouvoir ensemble et là, que Dieu nous aide ! »…

Les militants conservateurs devraient adouber Boris Johnson, car une majorité d’entre eux considèrent qu’il est le seul capable de mener à bien la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Les « brexiters » eux-mêmes placent tous leurs espoirs chez l’ancien ministre des Affaires étrangères du royaume, exerçant une forte pression sur l’ensemble des membres du parti.

À gauche: des gens déguisés en stormtroopers se demandent s’il est raisonnable de confier le pays à «Dark Vador». À droite, des partisans du Brexit. Devant les bureaux de Boris Johnson, le 22 juillet.REUTERS/Peter Nicholls

Une société divisée, des dossiers lourds, une majorité très fragile

Mais les parlementaires ne cessent d’envoyer des avertissements au futur Premier ministre. Quelque 17 députés Tories ont voté en faveur d’un amendement qui devrait l’empêcher de contourner le Parlement pour sortir de l’UE. Plusieurs ministres de Theresa May ont déjà démissionné. Les divisions entre pro-européens et partisans d’un Brexit dur comme M. Johnson sont de plus en plus profondes.

Chez les conservateurs, la majorité ne tient qu’à un fil. La tâche est donc immense. Les ambitions de M. Johnson risquent de se fracasser sur le casse-tête de la frontière irlandaise, que Theresa May n’a pas su résoudre au cours des trois dernières années et pour lequel il n’a pour l’instant fait aucune proposition, se contentant de comparer ce défi à la mission Apollo 11. Et puis il y a l’Iran.

Le Royaume-Uni est profondément divisé. Illustration lundi : les députés de droite, avec parmi eux des brexiters, s’étaient sont donné rendez-vous à Downing Street pour assister à la dernière party de Theresa May ; c’est sous les huées des militants anti-Brexit qu’ils sont arrivés chez la Première ministre. À l’instar de Davis Davis, premier négociateur du Brexit après le référendum de 2016.

Reportage au 10, Downing Street pour une dernière «party» avec May23/07/2019 – par Béatrice Leveillé

« C’est pas grave, ça ne va pas durer longtemps », croit-elle savoir

Chez Mme May lundi, il y avait aussi Jacob Rees Mogg, qui s’est fait le porte-parole de la ligne dure au sein du parti. « Je dénie à quiconque le droit de me présenter comme un révolutionnaire ou un fauteur de troubles, je suis un mec facile », se défend-il en arrivant devant le portail. Un portail gardé par des policiers sur le qui-vive, présence de militants chevronnés de l’autre camp oblige.

Magdalena et Cathy sont deux professeures retraitées qui participent à toutes les manifestations. Notre envoyée spéciale à Londres pour la passation de pouvoir, Béatrice Léveillé, les interroge devant Downing Street. « On les déteste tous, mais on adore les voir, s’amuse la première. On n’aime pas Boris Johnson ! Absolument non à Boris ! » Mais « oui à l’Europe », précise son amie.

Une nation divisée ? Un nouveau chef d’équipe inquiétant ? Cathy relativise : « C’est pas grave, ça ne va pas durer longtemps, il a une courte majorité. Un nouveau député conservateur a été viré pour cause de harcèlement sexuel, un autre devrait se faire battre dans une élection locale par les libéraux démocrates. Donc ça fera une majorité de un, ça ne se présente pas très bien pour Boris. »

 

Rfi