Journalisme au Sénégal : chronique d’un nivellement par le bas

Il fut un temps où être journaliste était un prestige. Car la prestance et l’élégance dans le comportement et le parler étaient leur credo. Le Sénégal a toujours été un pionner dans ce domaine notamment avec « Le Moniteur administratif du Sénégal et dépendances » qui  remonte en effet à l’année 1856, il s’agissait probablement du journal officiel de l’administration coloniale. Mais c’est en 1938 que naît « La Voix des travailleurs sénégalais », autre titre à caractère syndical et œuvre d’africains noirs. Ce journal était réservé aux lettrés sénégalais. Et durant cette période rare étaient les pays africains qui avaient leur propre organe de presse.

On voit à travers cette rétrospective que le Sénégal a toujours été un précurseur dans ce domaine, si on y ajoute le fait que le président poète Léopold Sedar Senghor durant son règne élevait la connaissance et l’organisation au rang d’adoration. L’Agence de presse sénégalaise, Dakar-Matin et Le Soleil furent durant cette période un relais de l’information sure et fiable sans compter un journalisme d’investigation au top de sa forme. D’éminents journalistes donnèrent à ce métier ses lettres de noblesses comme Mamadou Oumar Ndiaye, le truculent Ibou Fall, Sané Mady Camara, feu Amadou Mbaye Loum ou encore feu Momar Seyni Ndiaye qui nous a quitté récemment.

On assiste maintenant à une presse de caniveau illustrée par des scandales et désinformations distillées par nos médias à travers des articles sans fond, ni forme, les fautes n’en parlons même pas, le tout enrobé d’une paresse intellectuelle à nul autre pareil. Il est vrai que la population ne raffole que de faits divers aux détails croustillants, salissants et salaces, goûtant très peu à tout ce qui touche à l’économie, la science, la culture, bref à la connaissance de manière générale, de ce fait la presse est confrontée à un dilemme cornélien : donner la bonne information et être zappée ou bien verser dans le sensationnel et vendre. La faute ? une certaine presse de caniveau a habitué le sénégalais lambda en voyeur invétéré. Il est vrai qu’il ne sert à rien de prêcher dans le désert, mais il existe des solutions qui peuvent être proposées afin d’assainir le milieu :

-demander à l’état de réglementer la presse avec des contraintes juridiques qui permettront de tenir en laisse tous ceux qui seraient tentés de créer leur organe de presse, rien que pour faire du chantage ou verser dans la calomnie et la déformation des faits.

-créer un organisme indépendant constitué d’organes de presses crédibles qui pourront créditer aux adhérents, des notes de crédibilité qui pourront varier de peu crédible à hautement crédible. Ceci permettra d’assainir le milieu et d’assurer une information de qualité et surtout fiable.

Les médias sont le quatrième pouvoir, et de ce fait éduquent et influencent la population dans sa prise de décision sur des sujets d’intérêts capitaux. Occulter cela, c’est assurément fossoyer l’avenir d’une nation, car celui qui détient l’information détient le pouvoir, ainsi les médias avec l’information en leur possession, détiennent le pouvoir alors ils ont le choix entre sublimer les sénégalais dans leur quête d’un bien être durable ou bien les niveler par le bas et en faire un peuple servile. La balle est dans leur camp !

Toumany Etienne Camara Actuvision.com