Spectaculaire rebondissement au Kenya. Uhuru Kenyatta et Raïla Odinga ont décidé d’enterrer la hache de guerre. A la surprise générale, le président kényan et son opposant se sont rencontrés vendredi 9 mars au matin. Alors que Raïla Odinga ne reconnaît pas la réélection du chef de l’Etat, qu’il s’est autoproclamé président du peuple, et que les tentatives de dialogue avaient jusqu’à présent échoué, les deux hommes ont annoncé la fin de leurs divisions. Ils ont aussi signé un document inédit pour sortir le pays de la crise.
C’est une poignée de main qui a pris tout le monde de cours. Même les principaux alliés de Raïla Odinga jurent qu’ils ne savaient pas. Mais ce n’est peut-être pas par hasard si cette réconciliation est survenue juste avant la visite du secrétaire d’état américain Rex Tillerson. En effet, les Américains étaient quasi les derniers à pousser encore au dialogue. Les églises et des entrepreneurs faisaient également pression en coulisse. Ce qui pourrait avoir permis un déblocage.
Selon Murithi Mutiga, le président Kenyatta entame son dernier mandat et devait se réconcilier avec son adversaire. « C’était une question d’héritage politique. Et la stabilité économique qu’il voulait n’était pas possible sans cohésion sociale », explique le chercheur de l’International Crisis Group.
Quant à Raïla Odinga, il se réinstalle comme leader incontesté de l’opposition, alors que sa coalition était en train de s’écrouler. Il faudra maintenant voir quelle responsabilité politique il va endosser. « Laisser un homme qui a tellement de partisans sans aucun poste, cela déstabilise le pays. Il pourrait obtenir un statut officiel », analyse Murithi Mutiga.
« Construire les ponts d’une nouvelles nation »
Une bonne source estime que les mots prononcés par les deux leaders sont très forts. Mais qu’il faudra voir si cela sera suivi d’effet. En tout cas cette déclaration commune pourrait signer la fin de la crise. A part quelques jusqu’au-boutistes, les partisans de chaque camp semblent accepter cette réconciliation-surprise.
Pour sortir de la crise, Raïla Odinga et Uhuru Kenyatta ont signé un document de 8 pages, dans lequel le Kenya se regarde en face. Intitulé « construire les ponts d’une nouvelle nation », il s’agit d’un condensé des problèmes qui minent le pays. L’accord est écrit avec une franchise étonnante, alors que les deux camps paraissaient irréconciliables. Kenyatta et Odinga y reconnaissent l’échec des réformes des 20 dernières années.
Le document remonte à la construction du Kenya indépendant. Même les pèresfondateurs ne sont pas épargnés. « Il leur a manqué une approche collective ce qui a entraîné exclusion et animosité » est-il écrit. Plus surprenant encore, Kenyatta et Odinga assument leur part de responsabilité et se décrivent eux-mêmes comme « deux leaders symbolisant la répétition des divisions ».
Les deux hommes s’engagent à trouver des solutions
Le président et son opposant décrivent sans tabous l’antagonisme ethnique et demandent la fin du profilage tribal. « Nous avons ont eu des mots durs l’un envers l’autre, mais nous sommes restés amis », écrivent par exemple les deux hommes. Ils y dénoncent aussi le manque d’inclusion, les ratés de la décentralisation, et le cycle sans fin des violences électorales. Chaque fois, ils s’engagent à trouver des solutions.
Selon une source diplomatique, l’Eglise, qui pousse pour un dialogue, pourrait avoir rédigé cet accord. « Je n’ai jamais vu un texte aussi clair et aussi constructif. Mais il faudra voir s’il sera suivi d’effets », confie cet expert.
Justement, au final Kenyatta et Odinga annoncent la création prochaine d’un bureau, avec à sa tête deux hommes de confiance, pour mettre en place ce programme.
rfi