Le rendez-vous est attendu et sera scruté par les investisseurs et les économistes. A l’issue d’une réunion du Conseil des gouverneurs – qui se tient exceptionnellement à Amsterdam, la Banque centrale européenne devrait confirmer le début du resserrement de sa politique monétaire.La « fin de l’argent facile » ou du moins de « l’argent pas cher » approche.
Sauf surprise, la Banque centrale européenne devrait annoncer la fin de ses programmes de rachats nets de dette à partir de début juillet. On est donc en train de dire au-revoir au Quantitative easing ou « assouplissement quantitatif ». Rien de plus logique : la BCE avait dégainé cette arme en 2014 pour lutter contre une inflation qui n’arrivait pas à décoller. Elle la remballe désormais aux vues des hausses record des prix. L’inflation a dépassé les 8% en zone euro en mai sur un an. C’est quatre fois plus que l’objectif des 2% visé par l’institution de Francfort.
Ces achats massifs de dette devaient favoriser la consommation et les prix. Mais, pas sûr que son arrêt ait un effet important sur l’économie réelle, estime Christopher Dembik, économiste, directeur chez SaxoBank.
La fin des rachats d’actifs est en tous cas un préalable à la remontée du taux directeur, actuellement fixé à -0,5%
Le calendrier du relèvement devrait être annoncé ce jeudi. La BCE devrait a priori remonter son taux directeur lors de la réunion du 21 juillet : une première en 11 ans ! Quant à savoir de combien ? On s’achemine vers un relèvement de 0,25 point de pourcentage puis la même chose en septembre. Cela ferait sortir ce taux du territoire négatif dans lequel il s’est engagé en 2014. Mais, certains anticipent un mouvement plus rapide.
Les « faucons », c’est-à-dire les gouverneurs les plus adeptes de l’orthodoxie monétaire, plaident en effet pour augmenter d’un demi-point de pourcentage dès juillet.
En sortant des taux négatifs, les établissements bancaires ne paieraient plus pour déposer leur argent dans les coffres des banques centrales, ils seraient donc moins encouragés à prêter. Avec l’augmentation des taux, emprunter coûtera aussi plus cher. En théorie, cela doit donc limiter la consommation et faire baisser les prix, l’idée étant de ne pas risquer d’alimenter une spirale inflationniste : c’est ce qui arrive si l’on passe par des revalorisations salariales pour préserver le pouvoir d’achat.
D’autres banques centrales ont déjà commencé à augmenter leur taux, dont la Fed américaine. Alors pourquoi, la BCE a-t-elle attendu ?
En premier lieu, car les banques centrales font face à un dilemme cornélien. Le risque du resserrement monétaire, puisqu’il s’agit de moins stimuler la consommation, c’est de peser sur la croissance. Or, dans un contexte de reprise post-Covid parfois chaotique et de guerre en Ukraine, les prévisions sont de moins en moins favorables.
La Banque mondiale a abaissé la sienne cette semaine à 2,9% pour cette année alors qu’elle anticipait en janvier une hausse du PIB mondial de 4,1%.
L’institution de Francfort doit aussi composer avec performances économiques et des marchés des dettes disparates
La hausse des taux d’intérêt –et sur les marchés obligataires, ils ont déjà grimpé –va à terme augmenter le coût de la dette. Pour Christopher Dembik, il n’y a dans l’ensemble pas d’inquiétude à avoir, pas d’inquiétude particulière non plus pour la France. En revanche, les investisseurs deviennent un peu plus frileux sur la dette italienne.
Le risque de déséquilibre entre pays de la zone euro trotte donc dans les têtes. Et le ‘spread’, c’est-à-dire l’écart entre le taux de l’emprunt allemand qui fait référence et celui des autres pays, est surveillé comme le lait sur le feu par les investisseurs.
Or, l’écart entre le taux d’emprunt de l’Allemagne et le taux italien a doublé en un an.
Pour résoudre le problème, la BCE a déjà évoqué la possibilité de mettre en place un mécanisme anti-fragmentation.