La jeunesse afghane divisée sur le bilan d’Ashraf Ghani et la présidentielle

9,7 millions d’électeurs sont appelés aux urnes ce samedi 28 septembre en Afghanistan pour élire un nouveau président. Ils vont devoir départager 16 candidats. Parmi eux, certains ont fait campagne sur le thème de la jeunesse. Cela sera-t-il suffisant pour séduire l’électorat visé ? Reportage.

De notre correspondante en Afghanistan,

« Ghani baba king asti », (« Papa Ghani tu es un roi »), chante un jeune rappeur flanqué d’une large chemise à carreaux sur un sarouel noir. « Tu es le seul à pouvoir remettre sur pied le pays », poursuit le jeune homme, casquette vissée sur la tête, des lunettes de soleil argentées à effet miroir sur le nez. « Cette vidéo est devenue virale sur les réseaux sociaux », s’enthousiasme Zaki Qazi. Ce jeune trentenaire américain d’origine afghane a quitté Chicago, sa ville natale, et le restaurant familial de cuisine afghane pour rejoindre l’équipe de campagne du président candidat. « Il m’a séduit, il donne une image de l’Afghanistan dans laquelle je me reconnais, et qui me donne envie de m’investir », dit-il.

Dans le sous-sol du QG de campagne d’Ashraf Ghani à Kaboul, un centre d’appel opère depuis 15 jours. Une centaine de jeunes venus de tout le pays répond aux questions des électeurs qui les contactent via un numéro unique diffusé à la télévision et sur les réseaux sociaux. Momand, l’un des managers est originaire de Kunduz dans le nord du pays. La ville, chef-lieu de la province éponyme, a été la cible d’une énième offensive des talibans le 31 août dernier plongeant à nouveau les habitants dans l’effroi. Interviewé par plusieurs médias locaux, il confie craindre de possibles répercussions de la part des insurgés à son retour dans sa famille. Timide, cet étudiant en agriculture à l’université de Kaboul, se reprend : « Je suis où je dois être, je fais le bon choix. » L’avenir du pays ne peut être positif sans Ashraf Ghani qui donne leurs chances aux jeunes, il en est convaincu.

À l’extérieur du bâtiment situé face à la zone diplomatique, au coeur de Kaboul, des grands portraits sur pied d’Ashraf Ghani et de certains de ses supporters. Sous leur photo, le hashtag @voterpourGhani. Les militants sont encouragés à prendre des selfies devant les portraits et à les publier sur Instagram. La campagne électorale se passe aussi et surtout sur la Toile pour l’équipe de campagne d’Ashraf Ghani. « En Afghanistan, tout le monde a un téléphone portable. Internet est le meilleur moyen de s’adresser à toute la population », explique dans un anglais parfait, Daoud Noorzai, l’un des chefs de campagne du président qui a longtemps vécu en Europe.

Au volant de son taxi, Amrullah dit ne pas avoir besoin de suivre les débats à la télévision pour faire son choix entre les candidats. « Ashraf Ghani est le seul homme politique censé du pays et capable de faire avancer dans la bonne direction », dit-il. « Le président n’a pas hésité lors de son quinquennat à s’opposer aux anciens chefs de guerre qui font la loi sur leurs territoires, à dénoncer la corruption, à nommer des jeunes à des postes ministériels et dans l’armée pour remplacer les généraux qui ont fait leurs armes lors de la guerre contre l’invasion soviétique », énumère-t-il.

Sur le campus de l’école Polytechnique dans l’ouest de Kaboul, Huma, a fait un autre choix. La jeune femme, étudiante en droit, soutient Abdullah Abdullah, le chef de l’exécutif, candidat malheureux du scrutin présidentiel de 2014, en lice pour briguer à nouveau le siège présidentiel. « Il ne fait pas passer ses ambitions avant la paix », explique-t-elle. Elle se dit déçue de la façon dont Ashraf Ghani s’est accroché au pouvoir envers et contre tout malgré les négociations de paix entre Américains et talibans avant que ces dernières ne retombent au point mort le 8 septembre dernier, quand Donald Trump a mis fin aux discussions à la surprise générale.

Reshad Aziz, ignore encore s’il ira voter. « Les leaders, les hommes de pouvoir ne pensent toujours qu’à eux même quand ils deviennent président », lâche-t-il avec amertume. L’argument est simpliste, mais à près de 30 ans, le vendeur ambulant de dough, une boisson de lait fermentée populaire au Moyen-Orient et en Asie centrale, vit sans aucune perspective d’avenir. À ses côtés, son petit frère âgé de 15 ans ne va plus à l’école, mais l’aide chaque jour pour pouvoir subvenir aux besoins de la famille en récoltant un peu moins de 200 dollars par mois environ. Une cicatrice barre le sommet de son crâne, résultat d’une blessure due à un projectile reçu en pleine tête le 19 juillet dernier quand un kamikaze s’est fait exploser près d’une entrée de l’université de Kaboul, à moins de 500 mètres de la charrette qui lui sert de point de vente avec son frère.

« Les violences n’ont fait qu’augmenter », se plaint Mujda. À 18 ans elle suit des études pour être enseignante. « Ashraf Ghani n’a fait que plonger ce pays dans la violence, il y a chaque jour des explosions, on ne peut pas sortir de chez soi sans penser à un attentat », dit la jeune femme. Les violences se sont en effet accentuées ces dernières années. Le départ d’une partie des troupes étrangères en 2014 a marqué un tournant dans l’insurrection. Ces derniers mois ont été particulièrement meurtriers. 1 500 civils ont été tués ou blessés en juillet dernier, un record mensuel depuis mai 2017.

rfi